Ceux et celles qui suivent mes délires, hallucinations et coups de coeur depuis que je me suis autoproclamé serviteur du Prince des Enfers (ou-là, quel titre honorifique, Hollande va être jaloux, lui qui est conspué par la droite...), savent que ces dernières années, INFESTUS est une des entités qui m'a marqué le plus en Black Metal. Une pièce comme "Mirror Mind Reality" continue de me hanter sans que je sois capable de me débarrasser de son aura malfaisante, de ce génie mélodique aussi noir que le fond d'un puits.

Aussi suis-je aujourd'hui plus qu'extatique de vous présenter le nouveau brûlot du seul maître à bord de ce vaisseau fantôme, Andreas "Moloc" von der Heidt. Un type que je classe aisément dans la même catégorie que Alexander Von Meilenwald, démon solitaire derrière THE RUINS OF BEVERAST qui, un jour, a été touché par la grâce.

Vous avez aimé l'ambiance de fin du monde, de souffrance ultime, d'inquiétude extrême dans une atmosphère de cachot humide de "Exist" ? Vous aurez l'impression d'enfourcher votre vélo à la fonte des neige sur "The Reflecting Void", le quatrième album d'Andreas, donc logiquement celui de la maturité pour toute création destinée à percer. Et ici... oui, c'est le cas.

Tout y est, absolument tout ce qui a rendu "Exist" aussi marquant. D'ailleurs, "A Dying Dream" ne pouvait être mieux choisie comme entrée en matière, car elle replonge illico l'auditeur dans la moisissure mélodique de l'album précédent. On demeure en terrain connu et merde qu'on se plaît à patauger de nouveau dans cette mare pestilentielle où la guitare sèche, comme l'électrique, joue un rôle crucial, central. Si l'environnement bourbeux d'INFESTUS marque les tympans en premier lieu, ce sont bien les grattes qui agissent comme colonnes du temple, plus que cette batterie correcte ou le chant conventionnel d'Andreas. INFESTUS, c'est avant tout un guitariste ultra doué et un peintre qui nous entraîne dans son labyrinthe de douleur abstrait en nous maintenant la tête sous l'eau.

Les réussites pleuvent sur le disque, qui devra être considéré dans son entier pour que justice soit rendue. Ok, il y a bien au bas de cette chronique le podium qui vous guidera un brin, mais je vous supplie de vous envoyer ce disque au casque, dans la noirceur la plus profonde, en ne perdant pas un seul moment. Ne vous laissez pas embobiner par le premier extrait, ma piste préférée, "Devouring Darkness" (la "Mirror Mind Reality" de 2014) ; les huit morceaux valent la peine d'être avalés tout ronds.

Suffocation et admiration. Retenez ces deux mots. La musique absolument magnifique d'INFESTUS évoque ce duo antinomique. Suffocation en raison du cadre qu'impose encore Andreas sur "The Reflecting Void" et admiration pour la qualité maniaque des compos, les soli et les bridges à la sèche qui vous feront glapir. Admiration aussi pour un album qui tend à se rapprocher des détracteurs du Black Mélo avec ce côté un chouia plus accessible. La fanbase se réjouit déjà de ce festin d'os, alors imaginez si Andreas arrive à rameuter les connards de hardos qui espèrent encore que DARKTHRONE joue du raw Black ?! On aura sur les bras une nouvelle vedette du Black. Pas une rock-star épaisse, un artiste honnête et dévoué, authentique et fidèle à sa démarche : foutre les jetons tout en forçant l'auditeur à fermer les yeux de bonheur afin de goûter à chaque note, chaque désespérance de ce "Reflecting Void".

Vous aurez compris qu'INFESTUS peut maintenant entrer dans la cour des grands avec ce magistral effort. Andreas ne mérite pas encore la note parfaite, mais on s'en fout tellement... Osez pénétrer dans ce monde suffocant pour en ressortir plein d'admiration.

Note : 4,5/5.

Podium : (or) "Devouring Darkness", (argent) "Constant Soul Corrosion", (bronze) "A Dying Dream".