Qu’on aime ou non Jon Bon Jovi, l’homme a de la ressource et l’a prouvé à maintes reprises durant sa longue carrière.
Après un "These Days" sorti sous le nom de son groupe (?) en 1995, déconcertant à plus d’un titre mais de grande qualité, le chanteur nous offre en 1997 son deuxième album solo, soit sept ans après son premier, la B.O. du film « Young Guns 2 ».

Si d’un point de vue musical le bonhomme a toujours su réinventer sa musique au gré des époques, assez habilement d’ailleurs, il est clair qu’en cette fin de décennie un peu trouble, l’Artiste ressent encore l’envie de se prouver des choses, plus à lui-même qu’à son public. Ce qui ne sera pas du tout le cas par la suite malheureusement…

Faisons donc un bond dans le passé en résumant brièvement la genèse de cet album.
Alors très demandé (ou plutôt très demandeur) par ou pour le cinéma, Jon a concocté la majorité de ce "Destination Anywhere" entre les prises de ses films de série B.
À titre indicatif, son jeu d’acteur est à pleurer de rire !

Voilà ce qui arrive à une Rock Star qui est très entourée, avec styliste, coiffeur, porteur de serviette et autre cuisinier personnel qui vous suivent partout tels des disciples, on se sent la faculté de tout obtenir d’un coup d’un seul ! Et bien non, la vie ce n’est pas ça ! Je n’ai jamais compris un Musicien voulant devenir acteur. Bon sang, un acteur passe sa vie à jouer la vie d’un autre alors qu’un Musicien passe sa vie à se chercher… Heureusement sa quête sera courte !

Que dire de cet album après ce préambule plus qu’obligatoire ? Parce qu’il faut être clair, rien dans ce disque n’est connoté Hard Rock ou d’un de ses dérivés.
Autant le natif du New Jersey est un businessman avisé, autant là pour le coup ce fût un échec commercial retentissant. Un virage musical à 180° sans doute trop rapide pour les aficionados purs et durs de l’homme à la mèche.

L’orientation musicale abordée est à proprement parler une Pop/Rock inspirée, avec quelques programmations discrètes, tiraillée entre la mélodie immédiate et celle plus délicate et subtile de la retenue acoustique. "Queen Of New Orleans" ouvre les hostilités, avec ce chant bien plus bas que ce à quoi Jon nous a habitué par le passé. "Janie Don’t Take Your Love To Town" est plus prévisible mais plaisant.
Le titre le plus représentatif est sans nul doute ce "Midnight In Chelsea" avec son doux rythme programmé, sa mélodie suave un peu guimauve sur les bords, on sait à qui on a affaire tout de même…

S’il n’y a bien évidemment aucune révolution dans le style, les arrangements quant à eux sont sublimes. Co-produit par Jon, Dave Stewart de EURYTHMICS et Stephen Lironi, l’album porte bien son nom… "Destination Anywhere", ou l’art de partir vers tous les horizons, toutes les ambiances avec une liberté de ton totale.
Enregistré un peu partout autour du globe, il dégage une certaine mélancolie, à mille lieux du Rock pour les stades qui a fait la renommée internationale du chanteur et de son groupe. Naviguant ainsi à vue, la musique laisse libre-court à l’auditeur de se projeter là ou il veut, sans qu’on le guide. Exit l’itinéraire fléché, le bateau est à quai… Anywhere !

La production est bien sûr assez léchée mais pas trop, histoire de faire sonner une Telecaster adéquate dans le contexte. On prend un grand plaisir à écouter ces chansons ou l’atmosphère est planante, voire tristoune par moments. Comme le dit Jon lui-même, elles ont été composées alors qu’il était seul pour la première fois de sa vie, durant les « Off » de ses tournages, dans sa caravane d’acteur…
"Staring At Your Window" et "It’s Just Me" retranscrivent avec justesse ce sentiment de solitude, d’éloignement.

Toujours bien épaulé, Jon s’offre les services du nouveau bassiste d’alors, Huey Mc Donald, ainsi que ce requin de studio implacable qu’est Kenny Aronoff derrière les fûts.
Dave Stewart quant à lui pose quelques accords de ci de là…

Last but not least, un mini film d’une heure du même nom est sorti en DVD parallèlement à l’album, s’inspirant de celui-ci, avec plusieurs de ses titres en toile de fond…
Remarquablement réalisé par Marc Pellington, choisissant un très beau grain de pellicule, il décrit un homme perdu qui essaie de remettre de l’ordre dans sa vie.
Jon y joue le rôle titre, accompagné de Demi Moore, Whoopi Goldberg et Kevin Bacon.
Une belle distribution pour un rendu curieusement de très bonne facture.
Cerise sur le gâteau, le chanteur y est plutôt bon acteur, on aura tout vu…
À recommander pour les fans exclusivement il va sans dire !

Une belle échappatoire dans l’univers habituel trop formaté du créateur de "Livin’ On A Prayer", qui, on ne le dit pas assez, est un remarquable chanteur.

Quand on connaît l’évolution musicale du groupe BON JOVI à l’aube des années 2000, on préfère être nostalgique…