1993 : Le Black Metal grec est en plein âge d’or : ROTTING CHRIST le sur-perfectionne avec "Thy Mighty Contract", NECROMANTIA le révolutionne avec "Crossing The Fiery Path" tandis que VARATHRON et son "His Majesty At The Swamp"… se contente d’en jouer sobrement, sans parures ni apparats, sans excès ni ménagement !
Faut-il pour autant ramener VARATHRON à un groupe de seconde division, et ranger son premier album dans la catégorie des disques anecdotiques ?

Certainement pas ! Car ce goût pour la simplicité et cette volonté de retenue octroie à la musique de VARATHRON un charme dépouillé et une sinistre honnêteté et ce sont ces attributs sans prétention qui feront de "His Majesty At The Swamp" un véritable mode d’emploi du Black grec.

Des riffs lourds et rugueux, préparés comme du Heavy/Doom mais mangés à la sauce Black, servent de pilier à tout un album épique zombifiant l’auditeur comme on dompte un rêveur. Jim Mutilator (déjà très présent chez ROTTING CHRIST) est encore une fois à applaudir : cet ingénieux bassiste est capable, sur un premier thème donné, de décliner mille et un motifs plus sensibles les uns les autres. Tous ces remous dans le fleuve tranquille qu’est "His Majesty At The Swamp" font sonner VARATHRON comme HELLHAMMER décalquant du MERCYFUL FATE au ralenti.

Vous resteront inévitablement dans la tête les riffs de "Unholy Funeral", dont les montées chatouillent la colonne vertébrale, ceux de "Rivers Of Souls", presque reposants par moments, ceux de "Lustful Father"… Presque tous en réalité ! Le choix de VARATHRON de jouer la carte du calme et de la quiétude tient presque du miracle à une période où la course à la vitesse est toujours d’actualité (sortent en 93 "Pure Holocaust", "Ugra Karma", "Stillbirth Machine" etc.).
nous n'irons pas jusqu'à dire que "His Majesty At The Swamp" est un album lent, mais chaque riff à apparaître dans ce dernier cherche toujours à se faire entendre, à se faire sentir, avant de céder la place au suivant.

Au-delà de la structure riffesque de l’album, il est important de souligner le travail vocal de Necroabyssus. Beaucoup moins expressif que celui de ROTTING CHRIST, son chant est très similaire aux parties de basse mais elle apporte une certaine tristesse aux reliefs déjà très grisonnants de l’album. S'il paraît être de niveau très moyen aux premiers abords, ce chanteur calmement mélancolique s’accorde parfaitement avec la musique boueuse du groupe.

Il est important de noter que la simplicité de VARATHRON ne s’applique pas à la rigueur des compositions : en ne se basant que sur les riffs et les atmosphères, des titres comme "Son Of The Moon" ou "The Tressrising of Nyarlathotep" tiennent l’auditeur en haleine sur sept minutes et demi sans le moindre artifice. On s’enfonce véritablement dans la musique de VARATHRON comme dans le marécage dépeint sur la pochette. Ceux qui comme moi aiment se pencher sur les lyrics, découvriront des thèmes assez déroutants qui dénotent étrangement avec le reste de la production Black.

Le voilà : le Black grec dans sa définition la plus exhaustive. Je le recommande chaudement à quiconque voudrait savoir comment sonnait le Black Metal athénien au début des années 90. Ils furent plus d’un d’ailleurs (de GBK à SACRIPHYX) à se laisser influencer par les belles structures de cet album. Mais plus que comme une simple illustration historique, je recommande "His Majesty At The Swamp" à ceux qui cherchent une alternative plus Doom et mélodieuse au Black Metal seconde vague.