KREATOR sort un album tous les trois ou quatre ans. Ça fait de longs intervalles durant lesquels l’amateur de Thrash à poil dur ronge son frein. Dans l’absolu, on aimerait que les Allemands augmentent un peu la cadence de tir, histoire de se faire un peu moins chier. Non, parce que si vous comptez sur MEGADETH, METALLICA et tout le Saint-Frusquin pour assouvir votre soif de riffs thrash qui tuent, vous pouvez attendre un petit moment. Heureusement qu’on les a, les KREATOR, les SODOM, les OVERKILL sinon les Canards dans mon genre seraient passés depuis un moment l’arme à gauche. Puis, il y a les petits nouveaux issus de la nouvelle vague Thrash qu’on appelle Revival. Parfois c’est de la merde, parfois non. Comme ce ESSENCE qui pue justement le KREATOR à plein nez, au point en tout cas de me donner des premières lignes d’introduction toutes trouvées.

Entre nous, ça fait du bien d’entendre un bon petit KREATOR-like. Ça nous change des pompeurs de SLAYER à la mode de chez nous (savez-vous thrasher un clou à la mode à la mode, savez-vous thrasher avec des clous à la mode de chez nous) (j’ai honte) (si si, je vous assure). « En quoi consiste donc la « kreatorisation » ? » pourriez-vous vous demander. Aussi je vous réponds : à produire du Thrash abrasif bien véloce. Tempo rapide, riffs tendus comme un string, soli sous amphétamines et chant aigu hurlé. Pas de concession, pas de quartier : les femmes et les enfants dehors ! La mélodicité est bien entendu sacrifié sur l’autel d’un totalitarisme au profit d’une certaine force d’accroche qui ravit les thrasheurs brutasses dans mon genre. Sur le fond, cette vision impérieuse du Thrash est finalement assez proche d’un SLAYER à une nuance près : le « son ». Là où les Américains sont assourdissants, surpuissants ; la « kreatorisation » laisse cette impression de suffocation, d’être pris dans le cercle infernal des riffs, malmené sans cesse et sans répit dans un tabassage infernal.

Fin du palabre. Parlons combustible, parlons un peu ESSENCE (re-honte).

Commençons par un coup de gueule : y en a marre de tous ces groupes qui ouvrent leur album avec des intros en bois. Ce premier titre - judicieusement nommé « Intro » - ne sert à rien et c’est dommage car sa seconde partie – avec quelques réaménagements – aurait pu venir enrichir le premier « vrai » titre de l’album à savoir "Final Eclipse". Faut s’appeler JUDAS PRIEST et avoir sous le coude un truc comme "Hellion / Electric Eye" dans la musette pour ne pas verser dans l’insipide. Bref, il y avait bien mieux à faire que de bricoler un tel liminaire poussif coincé entre ambiant et Thrash de bon aloi.

Ceci étant vomi, ESSENCE mérite l’absolution « Kreatorienne », tout du moins une accolade digne. Les compos sont efficaces et les riffs acérés comme il faut. ESSENCE reproduit sans pomper et le résultat est bon. A l’instar de son illustre grand-frère, leur musique présente le même genre de carences soit un manque d’inspiration qu’on compense avec de la violence et un manque de mélodicité qui rend l’album un rien laborieux sur la durée. Précisément sur ces points où "Phantom Antichrist" est une petite merveille d’équilibre entre la force d’accroche, la puissance et certains ressorts mélodieux. Soit une musique par définition laide, qui vise le Beau et s’en approche.

ESSENCE ne place pas le débat là. Mais plutôt au niveau d’un "Hordes Of Chaos" - au mieux d’un "Violent Revolution" - ce qui est déjà pas mal, mais surtout synonyme d’un espoir : celui de voir de jeunes groupes réussir à cheminer dans le sillon des anciens et s’en tirer avec les honneurs. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, quand ESSENCE pousse un peu trop le bouchon, il se dote d’une coloration « Black » intéressante (parfaitement perceptible sur "Dark Matter" qui rappelle les bonnes heures d’un IMMORTAL) vu que l’articulation riffs / tempo est bien foutu. Mon tout avec les bons soins de Monsieur TATGREN qui produit la chose.

Ça commence à nous faire de bonnes raisons de l’écouter ce petit "Last Night Of Solace" en attendant.
En attendant quoi ?
Que le nouveau KREATOR sorte.


Note : 3/5

Morceau préféré : "Arachnida".