Foutue maturité. Porteuse d'heureux présages et de sûreté, la maturité est une sorte d'accomplissement en musique. Ah ça y est le jeune poulain est mature. Hourray! C'est confortable. Le jeunot maîtrise sa musique, joue au poil et se fait une place au paradis... 'de Dieu, serais-je donc le seul à préférer, au fond, ces moments où le groupe n'est pas encore "mature" ? De toute manière quand le devient-il vraiment, mature ? Et bien quand il est casé ! Quand il a femme et enfants et qu'il peut plus faire le fanfaron jusqu'à pas d'heure ! C'est pas triste ça ? J'sais pas, en tant que fan de musique un minimum extrême, c'est toujours mieux d'avoir entre les esgourdes une débauche de furie brute (qu'elle vienne de la bonne vibe Hard Rock ou des tréfonds réverbérants de l'Extrême) même si possiblement maladroite, que des accords proprets et millimétrés. Non ?

Ouais bah tout ça pour vous dire qu'UNCLE ACID AND THE DEADBEATS (maintenant les "deadbeats" c'est les fans, le groupe change son blase, mais on va faire comme si de rien n'était) a grandi. Lui qui palpait du Heavy Psyché en 2010 avant de marier le tout à du Doom Traditionnel de bon aloi et une vibration toute horrifique, les voilà qui se tournent encore un peu plus vers le Doom, du moins une musique processionnaire (on reviendra sur ses différentes formes, t'inquiète pas). Là où la production faisait éclater les riffs qui libéraient par la même tout leur jus et leur énergie aussi vintage pouvait-elle être, ici la pauvre sent le renfermé. Particulièrement probant dès l'ouverture de l'album où l'on est obligé d'augmenter le son afin de donner plus de dynamisme à l'ensemble, plus de vie presque. C'est tassé, terne, recroquevillé sur lui-même. Ça attend un peu que le vent passe et emporte la chaude tristesse estivale. Mais ça garde ce dandinement propre, ce courant d'air dans les cheveux en haut de la colline, ce frisson Rock qui te brule le ventre.

Y a qu'à voir l'ouverture de l'album, "Mt. Abraxas" avec son riff suprême qui pendouille, tout granuleux, bourré de ces souvenirs humides qu'on avait sur "Blood Lust" mais ici étriqués, tristounes ("They don't know there's nothing up there at all", putain de tragique ça je dis). Et cette atmosphère va baigner une bonne partie de cette nouvelle galette, que ce soit sous la forme du riff épais habituel ou de manière plus calme. Ainsi "Follow The Leader" en mode Drone Folklo-Ritualiste, totalement perché et désemparé, vous serre le cœur durant des nuits étoilés. Une guitare infatigable sur laquelle viennent se greffer des percussions et autres notes de guitare sèche ; "Death Valley Blues" flotte dans les volutes de fumées psychédéliques du désespoir fleuri sous prozac, K.R Starrs (ouais maintenant on joue plus) coupé du monde, loin, très loin de la musique pourtant doucement chaleureuse (une chaleur de fin de soirée, mais une chaleur quand même). Et là où "Valley Of The Dolls" est juste carrément effondré de tout son long, avec encore une fois cette voix fantomatique, "Desert Ceremony" traîne sa carcasse, tend les bras vers le ciel le temps d'un solo lointain mais ô combien juste, puis se relève plus fort que jamais pour appuyer son discours avec la conviction de l'Homme, le vrai. Même "Mind Crawler" n'y croit pas au fond et force sa bonhomie avec son clavier en arrière plan, les riffs tourbillonnants et répétitifs finiront par nous faire voir clair dans le jeu des anglophones.

Alors on sent quand même que le groupe aimait bien le temps où, insouciant, il nous faisait courir affolés par une quelconque bête en carton-pâte. Tous ces moments qui te font secouer ta crinière au volant de ta Renault 9 GT. En vrac on se mange le break de "Mt. Abraxas", la piste "Poison Apple" déjà sortie en 7" et qui avait pas mal tourné en son temps puisque dans la pure continuité de ce que le groupe proposait sur "Blood Lust" ("I'm the earth in your grave, and I"m the worm", poésie putain !). Mais là où celle-ci vient presque amener un peu d'air frais au bidule avec sa nouvelle lourdeur crépitante, "Evil Love" et son solo héroïque, tout aussi amateur de chevauchées goudronnées (quel poète ce soir ma parole), presque pétillante, passerait pour de la trop grande assurance et du pilotage serein sur les plans déjà bien posés en 2011. Cela ne lui enlève cependant rien de son potentiel headbangant. On reverra le groupe embrasser son aura occulte sur un "Devil's Work" au charme fou bien que binaire, se dandinant en rythme sur sa basse (comme pouvait le faire un GHOST).

Si UNCLE ACID ne rate aucune piste de l'album, on aura quand même la désagréablement impression que ce qu'il gère le mieux c'est bel et bien ces moments riffesques de folie qui t'emportent dans la nuit chasser de la banshee. "Mind Control" est sans conteste un album de qualité, qui recevra un accueil mitigé par son côté beaucoup plus sérieux et moins "upbeat" que le précédent album de ces déglingos rétros, mais dont on ne peut enlever le savoir-faire certain. On pourrait également reprocher une setlist un poil décousue. Si on voulait vraiment embêter le peuple. Mais c'est trop tard, maintenant vous n'avez plus qu'à laisser vos cheveux au vent, mettre un capuchon, baisser la tête et profiter.


I knew I had them all under my spell of fear