Parmi les groupes Metal des années 80 qui comptent, VENOM reste probablement celui ayant eu la plus grande influence sur le mouvement. Seul groupe capable de rassembler les fans de BLACK SABBATH et de THE EXPLOITED dans la même salle, le légendaire trio anglais s’offrait à l’époque, dans ses tournées, les plus luxueuses premières parties, aujourd’hui simplement inimaginables (qui peut se vanter d’avoir SLAYER et DARK ANGEL en première partie ? Dieu ? même pas…), accordant ainsi à pas mal de jeunes groupes furieux une visibilité assez conséquente pour leur carrière. Dans cet élan de propagande de l’extrême, "Music For Nations" proposera à METALLICA d’accompagner VENOM pour la tournée "Seven Dates of Hell" (1984) pour une promotion toute assurée de leur premier album. Si aujourd’hui il est proprement impossible de concevoir la folie que représente une soirée réunissant ces deux mythes du Metal au top de leur forme, EVIL BLOOD et la réédition de sa démo-album "Midnight In Sodom" représentent le cocktail le plus juste à notre disposition de ces deux énergies.

Apparu bien trop tôt en Yougoslavie où le Metal extrême n’existera pas avant la fin de la décennie (l’absence de scène et de label empêchera le groupe de signer un contrat et donc de s’exporter), EVIL BLOOD ne connaîtra jamais le succès qu’il méritait pourtant et ne dut sa survie qu’à sa persévérance ainsi qu’à une faible base de fans compatriotes. Expatrié en Angleterre à cause de la guerre où, désormais fortement dépassé (nous sommes en 1990), sa carrière peinera encore à décoller, le groupe est aujourd'hui revenu en Croatie et continue à ce qu'on m'a dit à botter de fameux culs en live. Mais alors que le groupe n’était connu que par quelques experts de l’extrême, il fallut attendre 2011 pour que le bien nommé label "Buried By Time And Dust" ressuscite cette démo en une très belle réédition vinyle, nous permettant enfin de mordre à pleine dents dans ce fruit issu de l’arbre mort du vieux Black Metal.

Avec "Welcome To Hell" et "Kill ’Em All" comme seuls fils conducteurs, le Metal de EVIL BLOOD est maladroit, jusqu’au-boutiste et extrêmement charmant. C’est une naïveté (ou une audace) désormais perdue qu’on a le plaisir de retrouver sur "Midnight In Sodom" : maîtrise encore incomplète des instruments (même si la guitare est particulièrement remarquable), paroles sacrilèges en (très) mauvais anglais (« He feelings helpless never again to be alright » !) et une énergie VENOMesque dominant toutes les compos. Le groupe évite cependant l’étiquette de "clone amateur" grâce à un certain standard de qualité qu’il semble s’imposer et des recherches musicales parfois très abouties. Par exemple le titre "Evil Blood" et son mid-tempo en constante accélération représentent une véritable ambition d’originalité et feraient même rougir VENOM de ne pas y avoir pensé plus tôt. Nos Yougoslaves, bien que relativement inexpérimentés, méritent donc une attention toute particulière et proposent avec cette démo enregistré en 1984( !!!) un evil Thrash Metal véritablement inspiré et servi par des musiciens qui aspirent toujours à mieux.

Sous cette production démo, on reconnaît que la qualité des morceaux est assez variée entre tubes crado-stellaires ("Countess Laura Whore", car si VENOM a Elizabeth, EVIL BLOOD a Laura !) et essais manqués ("To Hell and Back One Back On One Day", la ballade fadasse en chute libre), mais que dans l’ensemble l’auditeur est assuré d’une écoute agréable et surprenante. Nos trois Croates, habillé en rouge et noir, posant avec des croix renversées dans le jardin de tata, revisitent avec leur hargne adolescente tout l’imaginaire (Metal ou pas) "evil" des années 70-80, en témoignent des morceaux comme «"Carrie White Burns In Hell" (tiré du célèbre film) ou "Ave Sathanas", un des premiers titres du groupe, hymne insolent qui pourrait être un single de VENOM, dont le seul but avoué est la provocation anti-chrétienne.

Si l’on peut qualifier la démo de simplement prometteuse, la force de la réédition est de proposer trois titres de 1988, que j’élèverai pour ma part au rang de classique perdu du evil Speed Metal. Les progrès qu’a fait le groupe sont simplement monumentaux, et un titre comme "Kill With Napalm" est d’une modernité effarante (surtout pour un groupe qu’on aurait autrefois défini comme primitif). Assurément le moment fort du disque, ces trois morceaux (dans l’ordre : "Sinful Nun", "Kill With Napalm", "Seventh Sabbath") ont occupé le haut de ma playlist pendant bien des hivers et prouvent que la progression promise par "Midnight In Sodom" a bel et bien été accomplie. On sait que d’autres morceaux d’une intensité jumelle et enregistrés à la même époque existent (trouvables sur le best-of semi-officiel du groupe, presque disponible dans certains coins pourris du net), alors si comme moi vous avez vu du génie dans les trois derniers morceaux de ce disque, n’hésitez pas à vous jeter sur des titres comme "Vietnam Combat Fever" ou "Den Of Vice", tous plus fantastiques les uns que les autres.

En résumé EVIL BLOOD possède tous les attributs du véritable groupe culte des années 80, et on ne peut être qu’enthousiaste quand on sait que la majorité de sa discographie nous reste inaccessible (donc à redécouvrir). En attendant les futures exhumations et le nouvel album ("Ghospel Of Judas", attendu depuis bientôt 4 ans), "Midnight In Sodom " est la parfaite introduction à ce jeune groupe où un mauvais sosie de James Hetfield se la raconte sur les outtakes de VENOM. Si cette réductive description vous intrigue, faites un geste, procurez vous ce disque, partagez-le et aidez EVIL BLOOD à sortir de cette ombre qui lui colle à la peau.