Femme post-moderne pensive, JULIE CHRISTMAS s’émancipe d’une vision étroite de la musique, d’une vision uniforme des émotions, d’un monde où les mots ne portent plus de fantasmes. JULIE CHRISTMAS, avec un petit sourire en coin, spécule sur un monde qui s’écroule, des rêves et des cœurs qui se brisent, des espace clos qui s’ouvrent pour mieux se refermer, de lieux fous, d’un monde détruit puis envahi par un Vert marquant la fin d’un hiver dépité.

Hurleuse dans MADE OUT OF BABIES et SPYLACOPA, chanteuse dans BATTLE OF MICE, Julie Christmas est une de ses femmes qui font beaucoup pour le "chant féminin" dans le métal, contre une reconnaissance qui laisse encore à désirer. Refusant de jouer la poupée, bravant les lois de la "justesse" mélodique, toujours à moitié fausse et à moitié juste, créant ses propres règles à travers un chant passant de la fragilité à la puissance, de l’apaisement à la souffrance. Une reprise de Jack "The Fuck" Brel aura donc tout de suite de quoi bouleverser les uns, de quoi crisper les autres ("If You Go Away"). Une montée de l’apitoiement à l’agonie, sur une musique constante dans la mélancolie. Qui s’efface.

Jamais la chaperonne rouge (cf : le clip de "Bow") ne s’émancipe de ses groupes d’origines : "Bow" pourrait venir de BATTLE OF MICE et de MADE OUT OF BABIES à la fois, les deux parties du morceau rappelant tantôt l’un tantôt l’autre (et du ISIS aussi, mais ça on s’en fiche un peu). Et "Headless Hawks" rassemble MADE OUT OF BABIES au complet, écrit et exécuté par toute la troupe. Dommage que son refrain d’usine bruitiste l’alourdisse et le rende indigeste.

Au-delà de ça, si Julie garde toujours l’esprit vicelard du Sludge dans son tiroir intime, elle n’hésite pas à aller voir ailleurs. Ainsi "Secrets All Men Keep" a pour sous-titre "Salt Bridge II", référence à un titre de BATTLE OF MICE à la lourdeur oppressante. Mais ici les époumonades dépressives se métamorphosent en un chant frêle, le doom postcoreux en un rock lent et vaporeux qui évoque BETH GIBBONS ou THE GATHERING, avec toujours, dans le fond, des ombres de danger, de malaise, contenu dans des paroles dérangeantes. Tout aussi déroutant, le tango agonisant de "Wigmaker’s Widow" donne des hallucinations horrifiques. Et si l’on reste dans une simplicité musicale assumée, c’est la voix, les intonations qui font toute la différence.

Seconde reprise de l’album, le morceau à l’ambiance peinarde assez ambiguë de Willie Nelson "I Just Destroyed The World" (morceau original "I’ve just destroyed the world I’m living in") se change en un trip-hop crépusculaire à la SUNDAY MUNICH, on regrette juste que ça ne dure pas plus longtemps (et j’en profite pour faire la même remarque pour un "Six Pairs of Feet and One Pair of Leg" de film d’horreur, qui s’arrête alors qu’il n’avait qu’à peine commencé à être génial).

JULIE CHRISTMAS détruit donc son monde pour nous laisser avec un "When Everything’s Green" aux métaphores abondantes, mélange entre l’aérien et le plombé, une explosion de couleur et d’émotion qui nous frustrerait presque de ne pas avoir constamment eu le droit à des frissons aussi spectaculaires. Un des titres qui restera dans ma tête non pas comme le meilleur de la jeune artiste, mais l’un des plus belle pièce de l’année.

"The Bad Wife" porte bien son nom. Il est insolent et improbable. Il flirte à tout instant avec l’excellence, et il me devient impossible de garder mes arrières et mon enthousiasme. La performance vocale couplé à des textes superbes, créent des images trompeuses, changeantes, irréelles.

Hallucinant.