Le Prog, étiquette au tressage marqué de consignes qu’il faudrait respecter aussi scrupuleusement que s’il s’agissait de décrasser un pull en machine sans provoquer son rétrécissement : friands de technique préconisés, amateurs de plans à rallonge nécessaires, fans de breaks radicaux recommandés. Parfois s’impose l’impression de n’être pas vraiment là pour s’amuser.

SHADOW GALLERY, c’est la didactique distractive du Progressif. Sur la technique, des mélodies. Etendues au long des plans, des émotions. Derrière les breaks, du chahut.

Gavé de séquences longues à disséquer, on en prend plein les oreilles. Au point qu’avec "Tyranny", les Américains élaborent l’un des meilleurs albums de Heavy Metal... tout court.

Ça se passe du côté des refrains incontournables nichés au creux de "War For Sale" et "Out Of Nowhere". Ça se joue sur les ballades "Hope For US" et "Spoken Words", toutes deux déclinant des mélodies touchantes et dépourvues de la moindre once de mièvrerie. Et ça s’engouffre dans le boulevard des productions de légende grâce aux pièces épique "I Believe" et "New World Order", pépites aux lignes de chant somptueuses et à la montée en puissance qui prend à la gorge. Contre toute attente, SHADOW GALLERY jette un pont entre la scène progressive (DREAM THEATER) et le Heavy Mélodique remis au goût du jour à la fin des années 90. A noter aussi les sonorités évoquant franchement QUEEN (les chœurs) grâce auxquelles la densité se voit mouchetée de pores permettant une respiration équilibrée.

Les collectionneurs de prouesses sont probablement moins gâtés ici qu’ailleurs, même si SHADOW GALLERY démontre avec l’instrumental "Roads Of Thunder" qu’il s’agit bien d’une option sciemment consentie plutôt que l’effet d’aptitudes techniques inappropriées.

Un album majeur. Qu’ajouter quand, à ce niveau là, les mots manquent forcément ?