Le monde où il vivait était triste. Un roi dégénéré, des infants malades, des idiots, des nains, des infirmes, quelques pitres monstrueux vêtus en princes qui avaient pour fonction de rire d'eux-mêmes et d'en faire rire des êtres hors la loi vivante, étreints par l'étiquette, le complot, le mensonge, liés par la confession et le remords. - Elie Faure lu par J.P Belmondo


C'est sur ces quelques mots que s'ouvre le premier effort du groupe HYPNO5E. Ne prenez pas garde à ce S transformé en 5, rien ici n'est juvénile, immature et tout l'univers du groupe parait construit, créé, avec beaucoup d'attention. J'en veux pour preuve ces multiples samples venant s'insérer dans les compositions, comme ce "Emotion" qui surgit entre deux dé-zingages guitaristiques à l'instar d'un "Qu'est-ce que t'as dit?" qui arrivera moins d'une minute plus tard sur la première plage "Maintained Revelance Of Destruction Part.1" et bien d'autres. Ce genre d'incorporation (intelligente) des samples pourra paraître trop "simple" pour certains. D'autant plus que toutes les paroles d'un morceau tel que "H492053" proviennent de ce genre de média. Mais elle me fait beaucoup d'effet, le côté totalement figé des phrases débitées mis en opposition avec l'agitation musicale, couper pour mieux repartir, désarmer pour mieux attaquer.

Album vivant, "Des Deux l'Une Est l'Autre" l'est, animé d'une ambition et d'une fougue toute particulière et qui touchera surement un auditoire inhabitué à ce genre de déferlantes et autres breakdowns. Le pied sera pris. Le côté un peu mouvant de la musique (il existe pire, après plusieurs écoutes on s'y habitue) ou tout simplement la manière de faire évoluer le discours sont les deux éléments majeurs qui pourront vous faire adhérer à la musique des jeunes français, au delà de la musique assez... spéciale.

Le défaut assez mineur du disque étant qu'il possède trois très bons premiers morceaux au fort potentiel destructeur. Le reste de l'album devenant plus étiré, moins animé et en mouvement permanent, mais toujours aussi fou, comme l'illustre à merveille le sample d'introduction de "Tutuguri" (celui qui parle de "The Blister Exists" de SLIPKNOT au sujet du riff qui le suit de près peut sortir, même s'il aura raison) ou encore les quelques fulgurances dans lesquelles se lance le groupe par moments. Bien entendu on trouvera toujours l'exception, qui se nomme ici "Scarlet Fever" et qui est un véritable petit ouragan dévastateur.

Auditeurs de l’extrême, tentez ce voyage étiqueté Prog Death mâtiné de Metalcore barré à samples, aux côtés de Jack Kerouac, Andre Breton, Jean Cocteau et plein d'autres (ça a de la gueule déjà là). La note est sévère mais vous ne risquez pas d'être vraiment déçu. Écoute au casque hautement recommandée.


De la naissance à sa conclusion la mélodie, par une exploitation bienheureuse d’elle-même, la voilà successive et simultanée qui s’offre à moi dans une évidence ineffable et dans la sécurité au sein de la vocalise intransgressible d’une libération par le délice. C’est le thème. Elle est à ma disposition, j’en suis maître et je n’ai plus qu’à m’en servir. - Paul Claudel