Recherche avancée       Liste groupes



      
METAL CINÉMATOGRAPHIQUE  |  STUDIO

Commentaires (1)
Questions / Réponses (1 / 1)
L' auteur
Acheter Cet Album
 

 

 Site Officiel (1709)
 Myspace (519)

HYPNO5E - A Distant (dark) Source (2019)
Par NEURO6 le 2 Mars 2020          Consultée 3078 fois

Un an après l’album acoustique "Alba - Les Ombres Errantes", HYPNO5E revient à ses fondamentaux, dans la lignée de "Shores Of The Abstract Line", avec "A Distant (Dark) Source" et son Post Metal résolument progressif et teinté de Metalcore. Comme vous le savez, lorsque l’on met le doigt dans les sous-genres dans le Metal, encore plus dans la sphère Post Metal, on découvre autant de sous-genres que de groupes ! HYPNO5E qualifie son style de « Metal cinématographique ». On pourrait forcer le trait en parlant de Metal « théâtral », au sens propre du terme, c’est-à-dire avec ses conventions, sa mise en scène, son interprétation, ses actes. Les albums sont construits comme des pièces de théâtre : ils sont scénarisés, ancrés dans un espace ou un lieu, ont une atmosphère et proposent une trame narrative. Produit chez Pelagic Records, "A Distant (Dark) Source" constitue le second tableau d’un diptyque dont la première partie sortira par la suite (c’est presque aussi compliqué que Star Wars).
Cette approche cinématographique est surtout le fait du chanteur et leader du groupe, Emmanuel Jessua. Également cinéaste, il a réalisé en 2017 un long-métrage, "Alba - les Ombres Errantes" (accompagné de l’album acoustique éponyme) qu’il a tourné en Bolivie, d’où il est originaire. Cette expérience n’a pas été sans l’inspirer profondément. Dans l’Altiplano, il découvre qu’existait il y a quinze millénaires un immense lac d’eau salée : le lac Tauca. L’album prophétise la résurgence nocturne et éphémère de ce paléolac. Plus que cela, il est question de voir réapparaître le temps d’une nuit les gens qui vivaient à proximité. L’album nous emmène donc suivre, du crépuscule à l’aube, la renaissance de ce paysage habité et mémoriel.

Ainsi, décortiquer ce nouvel opus n’est pas une mince affaire. HYPNO5E propose en effet plus qu’un simple album, mais tout un univers complexe qu’il faut alors embrasser dans son entièreté. Cela ne laissera pas l’auditeur indifférent et pourra indubitablement en rebuter certains. Leur approche est assez cérébrale, pour ne pas dire intellectuelle. Leur musique s’appuie sur le concept de dualité. Elle associe d’une part des passages calmes, où le chanteur Emmanuel Jessua fait valoir son timbre clair, offrant des phases mélancoliques, et où le groupe met en valeur des samples (généralement, des extraits de pièces de théâtre et des lectures de textes) ; et, d’autre part, le groupe se lâche dans des passages agressifs, brutaux mais toujours techniques, rappelant GOJIRA et surtout MESHUGGAH par la polyrythmie, l’influence Djent et les rythmes syncopés, où les breaks sont nombreux. "A Distant (Dark) Source" constitue donc une succession de tableaux imbriqués dont le liant est assuré par ces samples, extraits notamment de pièces de Jean Cocteau ou encore de textes d’Albert Camus (deux auteurs déjà présents sur "Acid Mist Tomorrow"). Les extraits, par leur musicalité particulière et leur sens, semblent dialoguer entre eux.

Les onze titres ne sont pas la véritable partition de l’album ; en réalité, et comme sur "Acid Mist Tomorrow", "A Distant (Dark) Source" est construit autour de trois actes (de quinze à dix-huit minutes) chacun découpés en trois mouvements (afin de pouvoir passer facilement d’un titre à l’autre) : "In The Blue Glow of Dawn", "A Distant Dark Source" et "On Our Bed Of Spoil". Au début de l’album, "On The Dry Lake" fait ainsi office d’introduction tandis que "Tauca, Pt. II (Nowhere) " sert de conclusion et d’ouverture (vers l’album suivant). Intro, thèse-antithèse-synthèse et conclusion, cela ne vous rappelle rien ? Une véritable invitation philosophique à l’introspection.
L’intro, "On The Dry Lake", ouvre sur le dialogue entre le Sphinx et Anubis (tiré de "La Machine Infernale" de Jean Cocteau, pièce de théâtre rédigée en 1932 mais inspirée d’une pièce antique, "Œdipe Roi", du dramaturge grec Sophocle). On retrouvera d’autres samples tout au long du morceau, pour animer les transitions et les ruptures chères au groupe. Ce premier titre, mélodique et puissant, constitue une bonne ouverture pour l’album.

« Mais ici, nos calculs de dieux nous échappent. Ici, nous tuons. Ici, les morts meurent. Ici, je tue ! »

Il laisse place au premier acte "In The Blue Glow Of Dawn", morceau progressif caractéristique du groupe. La première partie, mélancolique et calme, où violon et piano se répondent, nous transporte aussitôt dans un univers aérien et subtil en opposition avec la seconde partie où le groupe libère sa rage. Les quelques vers d’Edmond Jabès, récités au cœur du morceau, offrent un slam survolté (imaginez un duo entre GRAND CORPS MALADE et GOJIRA). Fermant ce premier acte, la partie trois est portée par une mélodie lancinante et propose une recomposition d’un poème d’Alfred de Musset, "La Nuit De Décembre".

« Mais il ne poussa qu’un soupir,
Et s’évanouit comme un rêve. »

"A Distant Dark Source, Pt. 1" entame le second tableau de l’album. Instrumental et minimaliste, il met en scène un long extrait de "L’Homme Révolté" d’Albert Camus et constitue en réalité un interlude au cœur de l’album. La seconde partie, autour des vers de Guillaume Apollinaire tirés de "La Jolie Rousse", est un morceau très dynamique, point d’orgue de l’album avec ses changements brutaux d’ambiance et son clin d’œil à la musique latino. Les parties deux et trois s’enchaînent sans rupture ; dans son ultime partie, le morceau propose un grand moment de Post Core aérien et immersif, avec des passages calmes et mélodiques où l’on retrouve la prose d’Albert Camus, avec un final au piano des plus touchants. "A Distant Dark Source" est pour moi le meilleur titre de l’album : il est bien ancré dans un Post Metal progressif et mélodique qui fait la renommée du groupe. C’est peut-être pourquoi l’ensemble du morceau a fait l’objet d’un (long) clip aux images fortes.

« Pour être une fois au monde, il faut à jamais ne plus être. »

C’est dans la douceur de quelques arpèges que démarre le dernier tableau, "On Our Bed Of Spoil", appuyé cette-fois sur les vers de Friedrich Hölderlin tirés d’"Hypérion Ou l'Ermite De Grèce ". C’est, je crois, le tableau le plus complexe, notamment parce que la deuxième partie est très progressive, constituant un patchwork musical teinté d’une grande violence mais aussi de phases très calmes. Il est le plus représentatif de l’identité du groupe. Il nous mène vers un paroxysme musical, porté par une batterie vindicative et des chœurs étranges, le tout formant une atmosphère inquiétante. Tout cet opus constitue un long songe, que la dernière partie vient conclure sur les vers du poète britannique T. S. Eliot tirés de "The Love Song of J. Alfred Prufrock", seul sample en langue anglaise. La troisième partie de "On Our Bed Of Spoil" est un remarquable morceau, à l’identité Post Rock très marquée. CULT OF LUNA n’est pas très loin.

« I should have been a pair of ragged claws
Scuttling across the floors of silent seas. »

Dans l’ultime morceau de l’album, "Tauca - Pt. 2 (Nowhere) " – qui a fait aussi l’objet d’un clip – c’est Louis Aragon qui est mis à l’honneur. Encore une fois, morceau diptyque, puisque le final flirte allègrement avec le Post Black. L’interprétation du chanteur est ici particulièrement impressionnante (c’est encore plus vrai en live) : une minute de fulgurance en lévitation où il met en avant sa rage et sa tristesse, finissant par n’être accompagné que d’un violon et d’un piano. En guise d’outro, une mélodie au piano, sur fond quasi imperceptible de radio, sorte d’appel lancé depuis les confins du monde.

« Il y a diverses façons de se taire. Il y a diverses façons d’être seul. »

Nul doute qu’il faut plusieurs écoutes pour venir à bout de la composition labyrinthique de l’album. Pour avoir vu HYPNO5E le jouer en live, il faut reconnaître que cela fonctionne très bien : on est facilement immergé dans son univers complexe. Toutefois, leur musique n’est finalement pas accaparante : elle laisse à l’auditeur une grande liberté d’interprétation personnelle, une grande intimité. On se prête aisément à la réflexion autour des samples intégrés à l’album, morceaux choisis qui invitent à l’introspection. Pour ma part, et c’est très personnel, je trouve que ces passages structurent très fortement l’album et permettent d’identifier les titres. La nostalgie ressort de l’ensemble des morceaux, où les sonorités inspirées de la musique latino-américaine apportent une touche de grâce. Une alchimie intense.
Pourtant, l’album souffre tout de même de quelques faiblesses : le découpage artificiel en onze titres était-il indispensable ? Pourquoi ne pas avoir opté pour des morceaux longs, comme cela se fait souvent ? Aussi, l’album souffre parfois de quelques longueurs, manque de densité. Enfin, mais c’est un détail, on peut imaginer que les samples pourraient laisser le public non-francophone de marbre. Mais au final, pas de quoi égratigner la qualité de cette production qui ravira les fans de The OCEAN.

À écouter pour se faire une idée : "A Distant Dark Source Pt. 2 et 3" ou encore "On Our Bed Of Soil, Pt. 3".

A lire aussi en POST par NEURO6 :


QUJAKU
Qujaku (2018)
Détour japonais




NUMENOREAN
Adore (2019)
Le souffle de Morgoth


Marquez et partagez






 
   NEURO6

 
  N/A



- Emmanuel Jessua (chant, guitare, charrango, piano)
- Cédric Pages (basse, chant)
- Jonathan Maurois (guitare)
- Théo Begue (batterie)


1. On The Dry Lake
2. In The Blue Glow Of Dawn, Pt. 1
3. In The Blue Glow Of Dawn, Pt. 2
4. In The Blue Glow Of Dawn, Pt. 3
5. A Distant Dark Source, Pt. 1
6. A Distant Dark Source, Pt. 2
7. A Distant Dark Source, Pt. 3
8. On Our Bed Of Soil, Pt. 1
9. On Our Bed Of Soil, Pt. 2
10. On Our Bed Of Soil, Pt. 3
11. Tauca, Pt. Ii (nowhere)



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod