Le JUDAS PRIEST français. Voilà comment on pouvait parler de SORTILÈGE dans cette explosion de formations Hard/Heavy françaises, même si à bien des égards, leurs collègues de DEMON EYES étaient ceux qui méritaient le plus le sobriquet. Mais en termes de qualité, le groupe des frères Dumont ont affirmé dès l'EP SORTILÈGE avoir pris une certaine hauteur sur leurs concurrents dans le créneau Heavy Metal.

SORTILÈGE ça joue très bien, ça chante très bien et c'est très bien produit. Nous sommes en 1984, une année exceptionnelle pour le genre qui vit un âge d'or. Les groupes français ont deux particularités : le chant en français d'une part et un certain manque d'originalité, car bien souvent, ils adaptent à leur sauce les géants du moment. Et si MAIDEN est sur toutes les lèvres à l'époque, il semble bien que ce soit JUDAS PRIEST, qui a changé le monde des hardos fin '79 en tournant en première partie d'AC/DC, qui connaissait lui aussi une montée en popularité exponentielle.

"Métamorphose" est cependant l'œuvre des Français vers laquelle je reviens le moins. Pourquoi ? Parce qu'il contient autant de bons titres que l'EP, mais qu'il est deux fois plus long. "D'Ailleurs", "Civilisation Perdue" et le final "Métamorphose" sont incontestablement d'excellents morceaux de Heavy Metal (avec le très bon "Cyclope De L'Étang"), hélas dilués par la présence de fillers qui ne sonnent pas toujours aboutis. Même "Hymne À La Mort" et son riff sabbathien en diable peine à me convaincre totalement.

Mais "Métamorphose" révèle aussi le talent de SORTILÈGE pour l'exercice délicat de la power-ballade. Parler du premier longue-durée des Français sans parler de "Délire D'Un Fou" est impossible, tant ce titre fait prendre une autre dimension au quintet. On y perçoit encore mieux la qualité des textes de Christian Augustin, et le songwriting sophistiqué du groupe, tel qu'il évoluera sur "Larmes De Héros". Sur "Délire D'Un Fou" SORTILÈGE lève un peu le pied et montre que le groupe n'a pas forcément besoin de l'agressivité pour déployer ses ailes.

Si le niveau d'écriture de Stéphane Dumont ne permet pas de convaincre totalement sur la durée, "Métamorphose" montre néanmoins que SORTILÈGE est déterminé à confirmer les espoirs placés dans son premier EP, et s'il n'avait été qu'un EP, nul doute qu'il aurait récolté une étoile supplémentaire.