S’il y a un album charnière dans la carrière de RUNNING WILD, c’est bien cet "Under Jolly Roger". Il va se démarquer de ses prédécesseurs sur plusieurs points et même si "Branded And Exiled" tendait déjà quelque peu vers ce qui sera proposé ici, il lui manquait quelques ingrédients nécessaires pour espérer se hisser plus haut dans le paysage Metal de ces mid-80. Déjà, graphiquement, il y a un pas énorme de fait avec cette pochette magnifique, qui reprend la mascotte du précédent opus en la customisant quelque peu sur la grand voile. Et rien que ça, à l’époque où Derek Riggs avait mis tout le monde à genoux avec ses jaquettes d’IRON MAIDEN, c’est un pas en avant considérable (à cette époque sans internet, il valait mieux proposer une belle illustration pour attirer le chaland).

Ensuite, il y a la thématique pirate qui fait son apparition et cela fonctionne très bien ; utiliser une salve de canon durant la chanson-titre est devenu un cliché du genre aujourd’hui, mais cela faisait son petit effet à ce moment-là. Cette chanson est devenue un hymne, forcément fédérateur, autour duquel Rock’N’Rolf va construire ce que sera RUNNING WILD durant des années. Il y a quelque chose d’épique dans ce Heavy Metal qui reste encore très cru, la faute à une production pour le moins douteuse… mais qui a son charme dans ce cas précis. C’est entraînant, le refrain est facile à reprendre en cœur, façon marins bourrés (ça tombe bien !).

D’autres morceaux vont dans ce sens, comme le plus speed "Raise Your Fist" (là encore, refrain on ne peut plus simple, qui surgit après un pont ma fois bien astiqué), ou encore l’excellent "Diamonds Of The Black Chest". "Land Of Ice" tombe un peu à plat, "Merciless Game" n’est pas la fin la plus fofolle qu’on ait entendu dans le genre, mais le groupe a réussi à se créer une imagerie et à adapter un Heavy Metal teinté de Speed assez primaire à cela avec beaucoup de réussite. La production, comme cela a déjà été dit, est assez crade, mais elle colle bien à cet univers sauvage, sans foi ni loi, comme si RUNNING WILD avait fait de cette faiblesse une force. Cela fait ressortir la fougue, l’urgence qui animait alors la formation.

Le Heavy de la bande à Kasparek est très classique, teinté de cavalcades que ne dénigrerait pas Steve Harris, Rolf n’est pas un chanteur très élégant, mais il y a quelque chose derrière tout cela, une gouaille, un parti-pris intelligent puisque le thème de la piraterie n’était pas encore trop utilisé à ce moment-là. Un thème que RUNNING WILD allait porter très loin, se montrant souvent très inspiré dans ses textes et ses ambiances, qui atteindront leur paroxysme sur "Death Or Glory".