Du néant à la félicité absolue, la réussite d’un opus de Black Metal est assez complexe à expliciter aux béotiens, probablement parce-que la catégorie se prête d’avantage que d’autres aux émotions viscérales. Le Black se vit dans les tripes, que ce soit un rejet ou une adoration véritable. Sans ressenti, point de salut pour les pandas, telle est la voie ("this is the way" en vo). Ainsi, toute tentative d’utiliser des éléments rationnels relève d’une certaine façon, de la plus grande des vacuités. Du coup, vous vous demanderez sans doute pourquoi ces lignes dès lors qu’il n’y a rien à dire et qu’il faut simplement tenter sa chance ?

Vous aurez sans doute raison, chers lecteurs, mais pour écouter, ‘voyez, il faut commencer par connaître l’artiste. Identifier les charlatans et les sacrifier sur l’autel maléfique en offrande au malin, pour mieux rendre grâce aux sincères serviteurs de la cause. Et si la notoriété des pères fondateurs du mouvement a depuis longtemps dépassés les limites du cercle de l’extrême, perso, MAGOTH, je n'y étais pas. Que Mefisto (le vrai) et ses apôtres me pardonnent. Je leur offrirais bien mon âme en guise de pénitence, mais cela fait longtemps que je l’ai laissée en gage au Grand Maître du Metal.

Voilà donc un petit album de Heavy Black hautement recommandable pour le commun des mortels. Du Black on retrouve ces tapis de double pédale, ce chant de chat qu’on égorge dans une sombre ruelle, ce tremolo picking dissonant si particulier, et bien évidemment les atmosphères dérangeantes propres aux vastes contrées scandinaves gelées (impeccable "The False King"), quand bien même le combo serait d’origine teutonne. Mais MAGOTH emprunte également des passages assez Heavy, à la limite du Black Mélodique, alternant régulièrement avec des rythmes mid-tempo, ainsi que certains motifs de guitares soigneusement harmonisés, qui confèrent une saveur toute particulière à un ensemble particulièrement digeste ("Entering The Cavern Of Grief").

Le groupe nous propose donc la synthèse des deux mondes, nous embarquant pour un voyage sans happy end, à nos risques et périls. Les mélodies se font successivement inquiétantes, tristes, épiques ou mélancoliques, usant à l’occasion d’un trois temps à faire valser une horde de cadavres putréfiés ("Cain"). L’ensemble pourrait également évoquer des aspects Folk sans jamais avoir à nous sortir la flûte traversière ou autres excentricités. Grand bien leur fasse, le Biniou Metal n’étant pas ma tasse de thé.

Le boulot sur les guitares est à ce titre assez remarquable, les discrets leads ou arpèges typés NWOBHM se mariant à merveille avec les marqueurs habituels du genre ("Possessed By Anxiety"). Mais il serait injuste de ne pas souligner le boulot sur la batterie, qui vient caresser les fûts et autres cymbales avec précision et efficacité (notamment sur la charley), le tout magnifié par une production remarquablement équilibrée, le casque permettant de saisir toutes les subtilités contenues sur "Invictus".

Bref, un vrai coup de cœur pour moi, pourtant homme de peu de Black. Mais quand c’est aussi bien préparé, comment refuser un tel menu ? Sans se montrer d’une originalité folle, MAGOTH nous emmène traverser le Styx avec lui, à travers froid, obscurité et nihilisme. Si d’autres sont déjà passés par là avant lui, utilisant la même barque, est-ce pour autant si grave ? Je me retiendrai de toute métaphore graveleuse sur le sujet, mais vous m’avez bien compris. Allez donc m’écouter le title-track et vous m’en direz des nouvelles !