Après un premier album acclamé par beaucoup comme un chef d’œuvre rafraichissant le genre, Master’s Hammer avait entamé une dérive dans l’avant-garde et l’expérimental qui ne cessera jamais, d’album en album, d’agacer ses fans. Rendu réellement accessible grâce à une signature chez un label plus international (Osmose Productions, responsable des meilleurs découvertes black de l’époque), MH revenait en 93 avec un deuxième album concept, sorte d’opéra vaudeville dont les tenants et aboutissants lyriques nous échappaient car écrits entièrement en langue tchèque. "The Jilemnice Occultist", avec ses rythmique heavy metal, ses airs baroques et son utilisation plus expérimental des claviers, était un album extravagant, peut-être génial mais de toutes évidences très dur d’accès. Le suicide musical effectué via le hideux "Slagry" mettait une bonne fois pour toute fin à l’aventure MASTER'S HAMMER, réussissant avec ce foutage de gueule royal à se mettre à dos les quelques fans qu’il lui restait.

Alors qu’en 2009 BURZUM et BEHERIT réussissaient miraculeusement leur come-back avec des albums forts en caractère, le retour de MASTER'S HAMMER passait lamentablement inaperçu."Mantras", annoncé par des photos du groupe déguisé( ?) en vieux pêcheurs et par une cover qui nous gueulait « mauvais goût », était un album relativement rasoir, très insuffisant et surtout indigne de son géniteur, autrefois si original. Voilà pourquoi, depuis février 2012, ben, nous les blackeux, on est comme qui dirait surpris. Parce que, autant vous prévenir tout de suite, "Vracejte Konve Na Místo" (littéralement : remettre les arrosoirs à leur place) est un album qui pue le talent. Enfin MASTER'S HAMMER est parvenu à contenir ses extravagances dans une efficacité musicale digne de leur nom, voilà l’album que Necrocock & co rêvent de composer depuis 1992 ! Un mélange savant des incroyables riffs de Ritual et des délires incurables de "Jilemnice Occultist". MASTER'S HAMMER nous transporte ici dans son univers baroque dès les premières notes de "Nordfrostkrampfland" et pas une seule fois ne nous permet le retour.

Le morceau d’introduction suscité tient du miracle : c’est bien simple, tout y est. Les riffs épiques d’origine BATHORYenne, la voix necro, sorte de chant aspiré et troublant, véritable marque de fabrique du groupe; ainsi que le caractère inépuisable de l’album qui rend la première écoute tout aussi agréable que la quinzième. "Vracejte Konve Na Místo" nous fait très facilement oublier "Mantras", mais en plus, incroyable événement dans la vie des blackeux désillusionnés que nous sommes, il nous fait aussi oublier l'impardonnable "Slagry". Car non content de retrouver sa jeunesse perdue, MASTER'S HAMMER parvient à saupoudrer ses compositions de motifs tous aussi étonnants les uns que les autres, en gardant par ailleurs sa vigueur et son accessibilité. On retrouve au hasard et dans le désordre des claviers techno en fin d’album ; des instrumentations d’influences tsiganes (entre autres sur "Šumava" et "Lovecraft"); un drôle d’orchestre et un chien qui ronfle ("Dreaming Bulldog") ; l’utilisation la plus originale de voix claires dans le black metal depuis un bon bout de temps (le fantastique "Flammarion") ; j’en passe et des meilleures. On ira même jusqu'à chantonner en famille le refrain du morceau éponyme, assurément le tube de l'album (faute d'être le tube de l'été, l'album étant sorti en hiver).

Avec toute la sagesse de ses vieux groupes qui n'ont plus rien a prouvé, MH comble sa musique d'une maîtrise particulièrement impressionnante, supporté par une production millimétré qui sied parfaitement les compositions. La fièvre que transmet chaque morceau est simple et particulière, on se laisse surprendre par cette combinaison de black couillu (pour la première fois dans leur carrière, une attention toute particulière a été accordée à la basse) et ce panel de claviers, d'artifices et de fioritures sagement dosés.

Le marteau du maître a regagné sa place au panthéon du black metal et avec ce nouvel album il a reconquis le cœur de ses vieux fans et en gagnera certainement de nouveaux. En abandonnant le ridicule entonnoir qu’il se trimballait sur la tête, en reprenant ses vieilles formules magiques et en les remettant au goût du jour, MASTER'S HAMMER nous a donné une bonne leçon : renaître, c’est possible !
Il est donc maintenant l’heure de quitter NIME, de faire une recherche sur internet et d’acheter ce petit cd autoproduit, pour ensuite kiffer ta race en l’écoutant en boucle pendant les six mois à venir. Prière tout de même de remettre les arrosoirs en place.