Après un premier album FROSTien et médiatiquement oublié pour cause de grommellements death ayant envahi les radios, MASTER'S HAMMER revient un an plus tard avec un ouvrage plus personnel, d'un certain point de vue encore meilleur. Un ouvrage médiatiquement balayé par la déferlante norvégienne. Bref, MASTER'S HAMMER ne sera jamais reconnu comme il aurait du l'être. Et la scène tchèque, menée par le magnifique ROOT n'intéressera peut-être jamais personne.

"The Jilemnice Occultist" reste un disque complexe, à l'écoute ardue et dans un premier temps rebutante. L'album navigue sur un océan à la texture curieusement proche de celle de la mer de ROOT. Qui aurait cru à un tel rapprochement après "Ritual", disque tout en orthodoxie black thrash et HELLHAMMER ? "The Jilemnice Occultist" proche de "Black Seal" ou "The Book" ? Qu'est-ce à dire ?
Fantaisiste, extravagant, grandiloquent, heavy metal ! Des adjectifs écrits dans une police un peu plus petite que chez son compatriote mais des caractères suffisamment lisibles pour inonder l'audition. On est rassuré, MASTER'S HAMMER innove, MASTER'S HAMMER crée. On a peur car on connaît les dernières aventures du groupe, l'odieux "Šlágry" et la dernière galette sucrée salée caca merde de ROOT.

Ouf, le deuxième album de l'orchestre tchèque ne tombe pas dans les mêmes excès que les ouvrages suscités. Enfin si mais il sait les gérer, à la manière de SIGH qui partage avec lui le goût du décalage, quelques plans à la limite du rococo et "Among The Hills A Winding Way", écouté sous un patronyme différent sur "Imaginary Sonicscapes". Je pourrais aussi évoquer TORMENTOR mais mieux vaut porter toute son attention sur le contenu du disque sans trop se laisser perturber par des références trop variés et jamais totalement justes. J'aurais pourtant envie d'ajouter MISANTHROPE à cette brochette de références mais chut !

En 1992, l'entité de Prague fait du théâtre et convie à sa mise en scène un clavier qui joue de sa versatilité extrême pour tapisser les onze plages d'un climat précieux et décadent. Un climat qui se marie admirablement avec les cordes vocales d'un chanteur au registre unique, égorgé et difficile. Difficile comme cette instrumentation nourrie par une emphase au sein de laquelle se mélangent solennité absconse et tarabiscotage insane. A moins d'user plus que de raison d'un dictionnaire des synonymes qui constitue le meilleur ami de chroniqueurs en mal d'inspiration et de verbe, les mots peinent à sortir pour évoquer tout le baroque d'un opus qui refuse de se situer sur l'échiquier du black metal. De black metal, "The Jilemnice Occultist" ne retient d'ailleurs presque rien. Le chant reste rugueux, l'esprit est sombre, quelques riffs conservent des atours noirs malgré de nombreuses tonalités thrash et plus encore heavy. Pour le reste, méfions-nous, les textures ne sont pas naturellement très accortes.

Car un caractère unique, une indiscutable volonté de défrichage, une personnalité intense, même une maîtrise du n'importe quoi ne font pas tout. Et la porte d'entrée à "The Jilemnice Occultist" m'apparaît aujourd'hui trop lourde. Je suis ce soir fatigué et le courage me manque pour plonger dans les arcanes d'un disque qui recueille les suffrages de nombreux esthètes du metal extrême original. Le risque de finir totalement ensuqué est trop grand, je recule. Peut-être une autre fois. Dommage pour moi.