Le Mittel-Alter Rock est un genre musical en friche. On le constate d'année en année : ce style typiquement allemand, mêlant Hard Rock et Metal avec des sonorités médiévales ou celtiques, n'est plus que l'ombre de lui-même. La faute à une trop grande activité de la scène, qui étouffe le genre et peine à le renouveler. La faute à des groupes, autrefois maîtres en la matière, qui alignent les sorties sans parvenir à égaler la qualité de leurs réalisations passées : SUBWAY TO SALLY, IN EXTREMO, SCHANDMAUL... autant de grands noms dont la popularité constante ne reflète pas une baisse d'inspiration pourtant flagrante. A l'exception du roi IN EXTREMO et du dauphin NACHTGESCHREI, peu de groupes réussissent, depuis le début des années 2000, à provoquer une quelconque attente ou un regain d'intérêt au moment d'enrichir leur discographie d'une nouvelle offrande.

L'arrivée de nouvelles pousses est donc une excellente nouvelle. Puisque le Mittel-Alter Rock manque de sang frais, comment voir d'un mauvais œil que de jeunes groupes tentent de récupérer une part du gâteau ? VOGELFREY fait partie de ces groupes fraîchement éclos. Si le sextet originaire de la ville de Hambourg a timidement fait parler de lui à l'occasion de la sortie de son premier album en 2010, c'est bien ce "Zwölf Schritte Zum Strick" qui a pour vocation de permettre au groupe d'atteindre la cour des grands. S'il n'est pas sur que ce deuxième opus permettra à VOGELFREY de monter incessamment en première division, il constitue néanmoins un moment-clé dans l'ascension du groupe : celui de l'affirmation d'une identité propre, ainsi que de la construction d'un univers reconnaissable.

Si le talent est effectivement au rendez-vous, la musique des Allemands ne bénéficie malheureusement pas encore de suffisamment d'éléments permettant de la dissocier aisément de celle de ses compatriotes. On pense ainsi beaucoup trop à RAMMSTEIN sur "Freitod", dont les sonorités indus, le chant solennel et le refrain scandé rappellent dès les premières notes la musique des auteurs de "Feur Frei". De même, comment ne pas ressentir immédiatement l'influence d'EDGUY (période "Hellfire Club") sur ce "Lindwurm Massaker", un des grands moments de l'album, qui voit le chanteur Jannik pousser un cri à la manière de Tobias Sammet en introduction du morceau. Surgonflé de claviers, ce morceau n'est pas sans rappeler STRATOVARIUS ou KORPIKLAANI, et constitue en ce sens un joyeux melting-pot tout bonnement irrésistible.

C'est finalement lorsque VOGELFREY colle le plus aux canons du genre Mittel-Alter Rock qu'il se fait le moins intéressant : "Der Tod Und Das Mädchen", dont la flûte et le psaltérion évoquent ostensiblement IN EXTREMO, se fait d'un intérêt limité, au contraire du Folk-Metal festif et brut de décoffrage de "Shuld Ist Nur Der Met", "Der Tusch !" ou "Galgenvogel", quelques uns des morceaux qui permettent au groupe de s'épanouir dans des ambiances enjouées et fédératrices. De même, la ballade "Lebensiehre", mettant en avant le violon et la guitare acoustique, témoigne d'un groupe inspiré et à son aise dans cet exercice.

Malgré un talent évident, VOGELFREY demande encore à l'auditeur de trier le bon grain de l'ivraie sur son deuxième album. Si les réussites sont nombreuses, elles sont à mettre au crédit d'un groupe qui n'hésite pas à sortir du carcan Mittel-Alter Rock pour aller puiser ailleurs ses influences. Un exercice périlleux mais qui, s'il est fait avec davantage d'assimilation sur un prochain album, permettra au groupe de se faire un nom, tout du moins en Allemagne.