"Fire And Steel" est un album de Black Metal islandais produit en 1987. Voilà qui devrait suffire à capter votre attention pour un instant. D'origine volcanique et préhistorique, tout chez FLAMES OF HELL semblait prédestiné à créer un mythe : venu d'un pays complètement isolé, pratiquant une musique à l'époque célèbre mais rare et produisant son seul album à une poignée d'exemplaires par un label inconnu (peut-être français...). Avec l'arrivée d'internet, "Fire And Steel" est peu à peu devenu, pour sa rareté et son aura mystérieuse, l'objet Metal "culte" par excellence. Aujourd'hui encore très méconnu, on ne sait pour ainsi dire rien de ce que fut réellement FLAMES OF HELL. Une timide interview d'un des membres du groupe nous révèle qu'il s'agissait d'un trio, composé de deux frères et un ami, qu'un troisième frère aurait peint la (très belle) pochette de l'album et que l'enregistrement se serait fait dans un studio situé dans une auberge de jeunesse. Mais en vérité le seul témoignage valable que nous avons de l'identité du groupe reste cet unique album, concrètement introuvable et à la musique historiquement troublante.

Mais il faut mériter sa légende, le monde du Black Metal nous a appris à nous méfier des groupes soi-disant cultes, il est d'ailleurs très rare qu'une entité obscure se montre vraiment digne de sa notoriété. La question est donc : faut-il oublier FLAMES OF HELL? Faut-il passer à coté de ce groupe pour le moins exotique, comme on passerait à coté d'un "Semen Of Satan" ou d'un "Evoked Doom" ?(pour les deux trois qui sont déjà en train de taper ces noms dans leur moteur de recherche, ne perdez pas votre temps : oui ces groupes existent et oui leur anonymat est le digne reflet de leur médiocrité).

Dès la première écoute, la réponse nous apparaît comme évidente : non, FLAMES OF HELL ne mérite pas l'oubli, et au contraire les sept pistes de l'album forment un ensemble étrangement fascinant et insolite. La première force de "Fire And Steel" se trouvant dans son originalité. Coté influences, deux noms nous viennent directement à l'esprit : VENOM et HELLHAMMER; comment une cassette de "Satanic Rites" serait-elle venue se perdre en Islande, ça c'est une autre question. Toujours est-il que ces trois sombres inconnus parviennent à innover en renouvelant à la sauce Black un type de riffs qu'on pensait ne plus jamais entendre (sur "From The Grave" tout particulièrement), préférant pour sa musique une démarche plus Heavy que Thrash, avec des structures réfléchies et un style qui se veut construit plutôt que fonceur. FLAMES OF HELL recherche l'ambiance, l'impression, et veut marquer l'auditeur sans avoir pour autant à le bousculer.

Pour arriver à cette fin, deux armes sagement utilisées : primo, des riffs redoutables; la basse simple et froide permet aux guitares, chaudes et nerveuses de se perdre dans des jeux de soli déroutants de complexité et de folie (preuve à l'appui : "Fire And steel"). Secondo, une performance vocale monstrueuse, ni plus, ni moins. Sorte de chien égorgé crachant son agonie, le chanteur surprend, dérange, étonne mais surtout consolide la forte personnalité du groupe. Tantôt menaçant ("Cut You Down", dont la qualité du solo de guitare mérite également d'être soulignée), tantôt fantomatique ("Evil"), ce chant, magnifiquement inhumain, suffit à hisser le trio au titre d'ovni du Metal extrême. On pourrait penser à du BURZUM avant l'heure, mais l'intention et l'effet produit restent différents. La production de type "souterrain" convient parfaitement à la musique et renforce son caractère particulièrement sec et cru.

Rappelant le héros de Sade qui prenait tant de plaisir à mélanger son sperme à la lave des volcans, l'agressivité rance et unique de FLAMES OF HELL (avec son charme et ses excès) lui évite de tomber dans les clichés du genre et donc d'appartenir à cette génération de blackeux qui ne tarderont pas à tourner en rond.
Cependant, FLAMES OF HELL, apprenti nécromancien, ne parvient pas toujours à faire opérer sa magie, comme sur le titre "Heroes In black", qui se veut épique mais tombe inévitablement dans le pompeux, du haut de ses 11 minutes. L'inexpérience des musiciens se fait malheureusement sentir à plus d'une reprise, dissipant l'intérêt et provocant l'ennui dans ses tentatives de grandeur. Car en musique, malheureusement, il n'y pas que l'intention qui compte.
"Fire And Steel" a donc les qualités et les défauts d'un premier album réussi, sans que l'on ait jamais eu l'occasion de voire le groupe s'améliorer.

Considéré par certains comme le Saint Graal, par d'autres comme le chaînon manquant du Black Metal, "Fire And Steel" n'est ni l'un ni l'autre. Enregistré en 1987, à une époque où le genre se scindait critiquement, cet étrange fossile ne semble descendre ni d'Eve (MERCYFUL FATE) ni d'Adam (BATHORY). On pourra regretter cet anonymat (on imagine secrètement l'impact qu'aurait pu avoir "Fire And Steel" sur la seconde vague de Black Metal) qui diminue sa valeur historique, mais on pourra également apprécier cet album pour ce qu'il est : une œuvre de Black Metal primitive et inspirée.