En 1996, LAIBACH le touche-à-tout de génie, a déjà trempé sa musique dans de nombreux chaudrons bouillonnants. Les résultats obtenus ont été pour la plupart fort réussis, mais il manquait une étape singulière dans son parcours sinueux. Eux qui ont inspiré tant d’artistes décident de prendre le public à contre-pied encore une fois dirons-nous, en plongeant tête la première dans la forge métallique. Certains virent alors un vieux fantasme se réaliser. LAIBACH qui avait jusqu’ici uniquement fricoté avec le Heavy Metal en y puisant parfois quelques éléments, allait gonfler son indus de guitares massives.
Fais ce calcul savant ami lecteur : OPUS DEI +Grosses Grattes= OPUS DEI x 10= Jouissance Absolue.

Sauf que… "Jesus Christ Superstars" n’est pas du niveau d’"Opus Dei" et surtout beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis 1987. Les guitares Metal ont souvent été démocratisées et utilisées avec bonheur par une tripoté d’orchestres : GODFLESH, MINISTRY, FRONT LINE ASSEMBLY, KILLING JOKE, NIN, OOMPH et… RAMMSTEIN of course. Justement, parlons-en de RAMMSTEIN, celui qui a bien entendu le plus sucé la moelle martiale slovène. D’une manière étonnante mais indubitable, l’efficace "Herzeleid" (1995) se hisse au-dessus de ce "Jesus Christ Superstars", qui peut décevoir dans son ensemble. L’élève paraît avoir dépassé le maître, peut-être uniquement cette fois, n’exagérons rien. Ne nous mélangeons pas les pinceaux, RAMMSTEIN est loin d’avoir la créativité débridée de son grand frère. La comparaison s’arrêtera ici, mais elle devient inévitable. En vérité, à l’écoute de cette galette, on se prend à préférer l’époque où LAIBACH entretenait uniquement de lointains rapports avec le Metal. On serait tenté d’affirmer que le créateur, l’initiateur, prend le train en marche. Un comble. Pour couronner le tout, on peut considérer que les Slovènes perdent en cours de route une partie de leur précieuse inspiration.

Toutefois, nous constaterons que la patte inimitable du groupe est bien présente. Notamment les chœurs et autres arrangements symphoniques, qui sont encore une fois très aboutis et pertinents. La voix charismatique de Milan est toujours impériale et on découvre des titres d’acier trempés aussi puissants qu’entêtants qui fonctionnent à plein régime : l’implacable "God Is God", le glacial "Declaration Of Freedom" ou "Message From The Black Star" et ses riffs qui lacèrent l’espace. D’autres au contraire et malgré une qualité d’écriture indéniable, sont littéralement handicapés par des guitares lourdes qui semblent hors de propos : l’ambivalent "Kingdom Of God", le requiem "Abuse And Confession", "The Cross", reprise méconnaissable du petit Prince.

Enfin, les morceaux dépourvus d’ingrédient Metal sont sans doute les plus originaux, même si dans ce domaine le collectif a déjà atteint des sommets dans le passé. "Jesus Christ Superstars", reprise de la comédie musicale pompière d’Andrew Lloyd Webber, est absolument imparable. Imaginez une sorte de trip-hop sombre gorgé de chœurs religieux du plus bel effet, avec l’exceptionnel Milan Fras en prédicateur ténébreux. L’insupportable version originale est renvoyée illico dans le cosmos. "To The New Light" rappellera les titres anciens les plus noirs sans en effleurer la saveur, tandis que "Deus Ex Machina" plongera dans une messe orchestrale ultime et hypnotique. Nous retrouvons donc le combo habituel, dans ces moments les plus iconoclastes.

Un opus à part chez les Slovènes, lequel pourra déstabiliser les adeptes de la formation usuellement tournée vers d’autres chapelles. Le metalhead, lui, prendra son dû avec un plaisir coupable, bien qu’au final nous regretterons que cette œuvre attrayante ne soit pas réellement indispensable dans l’énorme discographie du monstre LAIBACH.