Parlez-moi d'un concept… Un morceau de 46 minutes de sauvage Death/Black Indus couplé à des animations vidéo synchronisées à la musique. Oui ! Vous pouvez écouter "Alpha-Beta" en vous hypnotisant de ces projections au potentiel de migraine assez élevé. Et le plus beau dans tout ça ? En plus d'être original dans son approche, le trio montréalais offre le tout gratuitement sur son site www.krokmiten.com ! Voilà pour le packaging. Alléchant, n'est-ce pas ? Et tant qu'à y être, prenez le temps d'apprécier le artwork de ce premier album… Ça vous rappelle pas un grand classique de Thrash ?

Quand on a sauté dans ce bain visuel, que vous tentiez l'expérience du vidéo ou non, il est plus facile de gober le Metal « expérimental » du groupe. Un bon gros Death/Black thrashisant et clinquant, indéniablement nourri à l'électro dans un laboratoire obscur. Indus il y a partout sur ce disque, du genre acide dans les veines, délire psychotrope, extrême mais pas trop. Les Québécois ont aussi eu la bonne idée de ne pas nous soûler avec une facture hyper léchée, ça aurait juré avec la saturation des guitares et l'atmosphère pestilentielle qui sévit sur "Alpha-Beta". Non, ils ont gardé ça simple. Et ça fonctionne, car après de longues et nombreuses écoutes, le format au début intimidant et quasi hermétique devient plus fédérateur qu'on ne l'aurait cru. Sans s'avérer le truc du siècle.

Putain de merde, on ne peut le nier, ça prend de la patience ! Pensez-y un peu : 46 minutes de branlage de manche, de bidouillage, d'hallucinations et parfois d'approximatives tentatives de foutre les jetons. Pas évident. Faut être doublement persévérant. N'oubliez jamais ce flux d'énergie malsaine vous traversant le cerveau, ça vous aidera à demeurer accroché pendant toute la durée de cette traversée. À moins que vous bouffiez de l'Indus au petit déjeuner…

Quant à décortiquer cette œuvre, je crois que vous énumérer les passages les plus brillants (comme le début, à 14 ou 29 minutes) serait non seulement subjectif à outrance mais réducteur face à ce que les Québécois ont voulu créer. Je vous le concède, un bloc de 46 minutes divisé en plusieurs parties différentes équivaut à pondre un disque avec une tracklist normal. Pourquoi alors ne pas l'avoir fait ? Leur choix. Pas le mien, peut-être pas le vôtre, mais bon, c'est ainsi et quand on s'en donne la peine, on passe un très bon moment. Surtout quand le trio s'énerve et pousse le tempo au maximum en faisant hurler ses instruments. On reconnaît alors le vrai KROKMITËN, la grosse brute empreinte de modernisme et dépendante à l'acier industriel.

Je ne pensais pas pénétrer autant dans le monde fascinant, violent et électrique de mes concitoyens, mais j'y suis arrivé sans trop de peine. Et je pense que les amateurs de Metal Extrême, d'Indus en particulier, prendront leur pied dans cette épopée aux riffs et trémolos malsains, torturés. Une vraie salle d'exécution à l'éclairage angoissant, aux décharges mortelles et aux piqûres empoisonnées. Même les sections plus lentes donnent à manger, avec leurs accents Stoner/Doom de détraqué, comme si le couteau lacérait tranquillement la plaie.

"Alpha-Beta" est une curieuse offrande en cette seconde moitié d'année, un projet ambitieux dont je ne suis pas convaincu entièrement. Le volet vidéo ne me rebute pas, je ne ressens juste pas le besoin de rester collé devant pendant 46 minutes. Je ne serai sûrement pas le seul, mais si le cœur vous en dit, courageux autres cobayes… Non, je préfère me concentrer sur la musique pas trop tendre de KROKMITËN, un monstre d'une générosité exemplaire.

Note : 3,5/5.