Je suis content d'avoir croisé le Black Sympho de SYN ZE SASE TRI car non seulement est-il très bon, mais il m'a rappelé un élément essentiel que doit posséder ce genre, un élément qui parfois est absent chez trop de groupes : la classe. Oui, les Roumains (dont j'avais bêtement deviné la nationalité, car hey, les obscures et planantes orchestrations roumaines, ça me connaît) sont d'une classe exemplaire. Ce premier (!) album, "Intra Doua Lumi" évoque chez moi de grandes émotions, dont celle d'avoir écouté le deuxième excellent album des Israéliens de BISHOP OF HEXEN, "The Nightmarish Compositions", un disque que j'avais trouvé aussi classieux et envoûtant avec ses textures cauchemardesques, fantomatiques, fantastiques, horrifiques, tout le champ lexical/sémantique que vous voulez.

Bon, oui il y a des loups et un chevalier brandissant un étendard sur un tas de crânes, c'est kitsch comme pochette. Mais l'habit ne fait diablement pas le moine chez SYN ZE SASE TRI (ces quatre mots proviennent d'une prière païenne retrouvée sur un rocher), on entre dans son univers dès l'intro, justement. Les leaders du groupe diront d'ailleurs que les thèmes exploités (mythologie, surtout) sont là pour apaiser les cœurs fatigués des scandales modernes.

Et ça fonctionne, car on décroche assez rapidement. Ce qui m'a marqué aussi est que contrairement à bien des formations black sympho, SYN ZE SASE TRI fait souvent coïncider les notes de synthé et de guitare, comme si les deux parlaient simultanément, voulaient s'exprimer dans leur langage respectif. Cela est impressionnant et contribue à pousser la note à son paroxysme, de sorte qu'elle se grave plus facilement dans notre subconscient. Quand ce n'est pas chaque instrument séparément qui nous charme ! Et, je vous le demande, y a-t-il pire en Black Sympho qu'une ligne de synthé ou une mélodie guitaristique qui nous accroche, mais que nous oublions aussitôt que la piste suivante commence ? Ici, les Roumains s'arrangent pour que nous nous souvenions de leurs compos en allant chercher des sonorités enchanteresses et inquiétantes – avec chœurs simulés à la COF à qui il emprunte le riff trémolo et les ambiances « vampiriques » – épiques, intemporelles. Un écrin serti de pierres précieuses du début à la fin, sans temps morts ni moments plus forts que d'autres.

Je disais plus haut que j'avais deviné que la formation provenait de l'énigmatique qu'est la Roumanie. J'ai simplement laissé mon instinct parler, mais j'ai surtout écouté ces guitares pincées et mélodiques empruntées cette fois à NEGURA BUNGET, groupe qu'ont joint Corb et Spin pour l'enregistrement du dernier joyau, "Virstele Pamintului". Vous retrouverez d'ailleurs la même humide noirceur chez SYN ZE SASE TRI, ces mêmes clins d'œil à la nature, ces ambiances extraordinairement alambiquées invoquant on ne sait trop quoi, mais enrobées d'une aura symphonique majeure… Difficile de ne pas y succomber. Je défierais même ceux qui ont jeté la serviette du Black Sympho de jeter une oreille sur ce "Intra Doua Lumi" et ses airs cinématographiques. Il y a là, je l'espère, le futur d'un genre malmené par ses ténors tombés sous les assauts de la tentation du vedettariat. SYN ZE SASE TRI est encore jeune et innocent (la prod' ne ment pas), mais ses musiciens sont foutrement doués et nous le prouvent sur chacune des plages de cet album. Ça augure bien pour le futur…

Vous aurez compris que SYN ZE SASE TRI mérite toute votre attention ! Indéniable surprise pour moi et qui tombe à point, car vous avez sûrement remarqué qu'après le revival Thrash, un revival Black Sympho est en train de naître. Et c'est tant mieux.