Au début, la curiosité du défricheur insatiable. Cette curiosité piquante qui prend aux pieds et monte à la tête en une vague vibratoire, cette curiosité aiguisée dès lors qu’une formation fait l’étalage de sonorités rappelant les premiers travaux de NOCTURNAL RITES et plus généralement ceux proposés par les formations de Power suédoises, probablement les plus expertes dans l’érection de contreforts épiques le long de titres Heavy et mélodiques.
A la fin (on parle de la rotation du disque, de son achèvement, quand l’album a livré ses promesses les plus clinquantes), à la fin donc, de la déception. Excepté le premier titre, qui se fait l’émissaire (malhonnête) de réjouissances à venir, excepté le titre final riche de ses douze minutes d’épopée agréable, un creux, un affaissement qui ferait passer un AVC pour une partie de plaisir, une dégringolade abrupte et radicale.

Les premières notes n’ont menti qu’à demi : vérité dans ce qu’elles ont fait entrevoir du registre et des influences adoptés, duperie sur la nationalité.
Du Power épique, donc, inspiré des troupes Suédoises qui sévissent encore ardemment depuis que la plus allemande d’entre elles, HAMMERFALL, a mis à genoux le vieux continent ("The Eye Of Time", les chœurs derrière le refrain de "The Scriptorium", l’épique "Guardians Of The Eternity"). Seulement, CHRONOLOGY n’est pas Suédois.

Faut-il dénicher ses origines outre-manche ? Le rapprochement ne se déduit pas du style pratiqué ici mais du passé de CHRONOLOGY puisque la formation voue un culte historique à la vierge la plus célèbre d’Angleterre (après Pippa Middleton ? Ah non, pardon), IRON MAIDEN. CHRONOLOGY est en effet le nouveau terrain de jeu des membres d’IRON MAIDNEM, tribute band à vous savez qui (ou bien faites-vous soigner). Le groupe de reprises a même eu l’opportunité de se livrer à une poignée de concerts et, mieux, a eu la bonne idée de se fabriquer sa propre mascotte : un Eddie en plus petit, plus rigolo, plus mignon. Plus artisanal aussi.
La légende ne laisse guère filtrer d’éléments sur cette mascotte sinon que CHRONOLOGY aurait (je dis bien aurait) réquisitionné les bonnes volontés alentours, de la famille proche à la classe de CE2 où est inscrit Poncho, le fils du guitariste, après que l’aimable maitresse eut accepté de bonne grâce (une citation dans un livret de CD vaut toutes les récompenses du monde) de remplacer les classiques tableaux de nouilles sèches destinés à la fête des mères hongroise par l’assemblage d’une marionnette géante.
Comme le laisse à penser la seconde phrase de ce paragraphe, si je n’avais pas consulté au préalable le pauvre (laid fonctionne aussi) site officiel de CHRONOLOGY, les accointances avec MAIDEN m’auraient échappé. L’influence existe peut-être dans les solos ("The Scriptorium"), parfois aussi dans les lignes de chant ("17 February 1773"), certainement pas dans les orchestrations abondantes (copyright Speed Mélodique), pas vraiment dans les riffs plus allemands que NWOBHM.
Alors, des Anglais CHRONOLOGY ? Non plus (douze lignes pour en arriver là, bravo !)
En fait, La Hongrie est sa patrie. Voila. C’est dit. Enfin.

Je sens bien qu’à présent, il est l’heure de passer au paragraphe suivant, là où l’on entrepose d’ordinaire les qualificatifs, là où il est expliqué au lecteur quel lien il convient de dresser entre sa bourse et ce disque.
Idéalement, un lien rompu.
Rien n’est foncièrement mauvais sur "The Eye Of Time", juste ennuyeux. La sanction évidente quand on récolte des plans sans originalité et qu’on les sème dans une terre usée jusqu’à la croute. Comme précisé auparavant, deux titres seulement savent retenir l’attention. Entre eux, du vent, de la grisaille et des asticots gesticulants sur les restes de compositions attaquées par la pourriture.
Quelques exemples : "Warning", écrasé par un riff déjà entendu une bonne dizaine de fois, des enchainements téléphonés et un refrain insipide, "Forbidden Path" qui aurait pu tirer son épingle du jeu grâce à de bonnes interventions de la guitare et un refrain intense, mais dont la seule impression laissée quand il s’achève est d’avoir traversé un vaste espace mal ordonné, "Evil Eye", morceau bien lourd (les riffs manifestent plus de puissance que sur le reste du disque), si lourd qu’à aucun moment il ne parvient à décoller. "Close To Me" fait en revanche un peu mieux, avec sa guitare galopante. Si seulement les lignes de chant, dans un registre doom mal maitrisé, avaient bénéficié de davantage d’accroche. Là, l’impression produite est celle d’un éternuement formidable que i n’arrive pas à sortir.

Sur son premier album, CHRONOLOGY accumule les erreurs et fait éclater au grand jour un manque cruel d’inspiration. C’est comme si les fautes de goût s’étaient donné rendez-vous sur un seul disque et s’y disputaient quelque primauté.
Je ne souhaite pas donner l’impression d’une formation totalement demeurée et inapte à évoluer dans une scène, reconnaissons-le, plutôt clémente avec les nouveaux artistes. Les Hongrois savent composer et varier leurs plans. Ce que je leur reproche, c’est de les avoir puisés à droite et à gauche pour au final les assembler de manière grossière, sans se préoccuper le moins du monde de la manière dont eux, musiciens, pourraient intervenir afin de se distinguer un tant soit peu de leurs collègues.
Aucun argument ne peut justifier dés lors qu’il faille acquérir "The Eye Of Time" plutôt qu’un autre. Rien que cela mérite une sanction irrévocable.