Il va falloir s'y préparer ou tout au moins s'y attendre... Notre société et son évolution vont engendrer une volée de musiciens à tendance sociétale et comportaliste qui vont être méchamment affectés par les expériences de la vie...

ZYBILLIN SPRÄCH est de ceux-là.
En allemand approximatif, ce discours Sybillin (prononcez ZUBILLIN SPARRRE) est en fait un projet mené par Fitch Zardu. Ce dernier assure tous les postes ! Il compose, chante et joue de tous les instruments.
Il le dit lui même : "Le groupe puise ses racines dans le nimportequisme, source originelle de l'absurdité, principale force qui gouverne le monde".

Sauf que ça, c'est la face visible de l'Iceberg Fitch Zardu. Le côté création plus ou moins délurée... Car ne vous y trompez pas, le lascar a des choses à dire, et même beaucoup.
Ce premier produit comprend ainsi 11 titres officiels et un morceau "Untitled" pour une durée totale de 1 heure 10 minutes ! Et soyons clair : ici, ce sont les textes qui vont nous faire causer.
Non pas que la partie musicale ne soit pas digne d'intérêt, mais très rapidement, les lyrics vont irrémédiablement vous interpeller.
Dès les premiers instants de "Personal Branding", le ton est donné : société de consommation.

"Rien de brillant sous le strass, vendre, vendre et vendre encore ces produits inutiles pour des besoins futiles, en feignant l'ignorance, en plaidant non coupable, en jouant l'innocent, parfait irresponsable [... ] le café coke laisse des traces..."

Mais viennent ensuite rapidement le côté sombre de l'Humanité, les déviances et autres pourrissements de nos vies... Tout ou presque y passe... "Procrastination" martèle parfaitement tout ce qu'on peut mettre derrière ce titre : "Procrastination, un vrai jeu de con, regarde-toi bien, tu ne branles rien... "… et je ne vous parle pas complètement de "Participation", qui vomit bien sur le monde de l'entreprise ! Et que vous dire avec le discours de départ mis en musique sur le titre caché !! Vindicatif et acide à souhait !
L'excellente "Semences" propose tellement de breaks qu'elle constitue l'un des titres phares de la galette : gros riff de gratte ultra efficace, plan typé groove RED HOT/INFECTIOUS GROOVES, un final aérien "Bang, bang, ta life à la poubelle" ! Bordel, mais quel joli brin de voix sur un mur Thrash entêtant !
Si je vous dis que les trois premiers morceaux sont vraiment très bons, je me dois donc de vous parler du délirant "Maldoror". Gros riff une fois encore pour mettre en musique des textes de Fitch Zardu, certes, mais également ceux de Isidore Ducasse, alias le comte de Lautréamont (Chant IV, 4)... Une putain d'expérience une nouvelle fois tant la mise en contexte est juste et tellement à propos. Incroyable, vraiment...
Dans le genre poésie hardcore, j'ai pris un pied terrible avec le très incorrect "Endoscopia" ! Je me suis marré, j'ai adoré les talents d'écriture de notre FZ (qui signe au passage l'intégralité des titres, respect...) et j'ai savouré la vision lubrique de ce visiteur médical vendant des endoscopes un tantinet zélé... Je ne vous décrit pas la suite, je vous somme de vous rendre sur le MySpace du groupe pour visiter avec classe cette zone de votre intimité !!! Et là encore, à mi-chemin vous découvrirez la prière des méthodes invasives des sciences exploratoires sur un plan aérien et groovy à s'en damner... C'est grossier, c'est classe, c'est dérangeant, c'est terriblement efficace, tout ce que j'adore !
Côté influence, c'est Thrash à mort côté ANTHRAX, PANTERA, SUICIDAL TENDENCIES, avec des très gros morceaux de Heavy.
On n'oublie pas de saupoudrer de Nu Metal type SYSTEM OF A DOWN ("Fogenstein" avec son solo Heavy) et d'un poil de cul de TOOL ("Occiputes", moins plaisant)... Je l'ai déjà précisé, mais le côté groovant du truc n'est pas à prouver, voire même affiché avec "Groove Acier" qui vient calmer un peu le jeu, Zardu faisant ici étalage de ses capacités à la six cordes, avant un sympathique titre instru un peu plus tard ("Geek Song") durant lequel tout swingue !! Oui, oui, c'est dingue, il peut tout faire ce mec !
Allez, il faut bien préciser la présence de Jean-Pierre Le Guen sur le second solo mais bon, c'est franchement envoûtant ce truc !
Alors, il faut raison garder et avouer que certains morceaux sont moins bandants : "Astrubaldh", ses couplets quelconques et son presque hors sujet sont sauvés par un refrain toujours aussi bien troussé et un solo qui défouraille ce qu'il faut ! "Occiputes" n'est pas ma came par ce côté lancinant et un chant "mou du genou".
Certains pourront y voir tout de même le syndrôme "St Anger" de METALLICA avec des titres parfois trop longs qui auraient pu profiter d'un côté plus direct en se voyant quelque peu raccourcis... Mais bon, c'est pas franchement flagrant.

Ce qui m'aura au final le plus pénalisé lors de mon écoute ce sont ces manques de rigueur du côté de la production : un retour de couplet trop grossier ("Astrubaldh", le break à 4 minutes sur "Maldoror"), des gros blancs super déroutants (fait exprès ?). Mais restons correct, merde ! On parle d'une autoproduction là.
Le break sur "Maldoror" marqué par une prod' un poil limite, mais la descente de manche qui s'ensuit rattrape le tout !

"Alors bande d'enculés, on est là pour écouter de la poésie ? "

Oui, en somme, une poésie moderne, française, décalée, sur bande son Metal... Une expérience des plus plaisantes, que je me propose de suivre avec beaucoup d'intérêt si Fitch Zardu et son ZYBILLIN SPRÄCH m'y autorisent car franchement, du brainstorming aussi intéressant, moi je suis preneur… Surtout avec une bande son aussi burnée...

Note réelle : 3,5/5.

Top : "Semences", "Personal Branding", "Endoscopia", "Maldoror".