Le BM finlandais est médiocre. Je vois toute une masse de raisons à cette médiocrité, mais je n’en dégagerais que trois, qui me paraissent essentielles :

-1°) L’allégeance au DARKTHRONE des « belles » années, mais d’une allégeance dont la rime sonne plus souvent avec « repompe abrutie » qu’avec « héritage mûri » - car pourquoi, en effet, faire évoluer une régression formelle quand la matière initiale est déjà présente, toute prête à être imitée, dès lors que le tampon de l’authenticité ne s’abat plus qu’en fonction de l’habileté du faussaire ? Traditionalisme et fainéantise : même combat perdu d’avance, quand d’autres, aujourd’hui, réfutent l’amalgame ?

-2°) Quelque chose comme une réceptivité à tous les défauts et inaboutissements du maître, attention toute particulière propre aux suiveurs, qui ne semblent apprendre que le pire de leurs aînés (veulent-ils hypnotiser par minimalisme, ils endorment par manque d’inspiration, veulent-ils paraître « occulte », c’est à la déficience sonore et au manque de fièvre que se portent nos sourires).

-Et enfin 3°) l’idée mignonne, mais somme toute compréhensible, de donner dans le subversif quand, au bout du compte, l’essence même de l’art pratiqué (le mitool en général) se rapporte au pire d’une musique romantique allemande aux codes de bienséances retournés : privilégier l’intuition sur le concept est une chose ; mais se dire « subversif » en continuant de composer dans et par le riffing, bref, en continuant de tabler sur un certain souci de la mélodie écrite, aussi immonde et pauvre soit-elle, en est une autre.

Je vous vois venir : rares sont les groupes de BM, en effet, à « innover » tout en amplifiant la flamme originelle, primitive ; plus rares encore sont ceux proposant une réflexion non plus sur la note, mais bien sur le son, renouant ainsi avec le lointain enseignement d’un certain Hendrix, notre père à tous. Mais ils sont suffisamment nombreux pour ne pas perdre tout à fait espoir. Et si PREVALENT RESISTANCE écope sur cet album d’une note pareille, il n’est pas dit pour autant que son « art » pousse l’aventure jusque dans ces eaux-là ; mais qu’au demeurant, force est de reconnaitre que tous les écueils propres au genre sont, à notre grande joie, évités avec soin, surmontés dans un même souffle irrésistible.

Ainsi, cette « intelligence » peu commune dans la composition, dont les mailles serrées ne laissent pas, pourtant, de manifester de grisantes variations ; de là, cette pugnacité d’ensemble alliée à un savoir-faire sans faille. Mieux produit et équilibré que son prédécesseur, "To Live Again And Dominate", "The Eternal Return" bouffe, du timide et premier coup d’oreille à l’écoute franche, au râtelier des plus grands. Un son massif, nucléaire et sulfureux, une basse volubile aux phrasés secs et insistants, et surtout, cette technique peu commune du legato portée à pleine maturité, contrastant avec d'autres riffs catchy plus typés rock/punk (l'expérience de CIRCLE OF OUROBORUS ou VORDR j'imagine), et assurant aux morceaux un déploiement où tout semble couler de source ; d’un liant n’admettant guère l’abrupt du break. Ces longs trémolos suspendus, ces boucles lancinantes, ont un souffle qui paraît ne jamais vouloir s'éteindre, à croire que la flamme des 90's se soit définitivement transformée en un brasier triomphal. Loin d'être noyé par des blast-beats et autres descentes de toms apocalyptiques du meilleur effet, "The Eternal Return" signe l'organicité de chaque pièces-titres, l'équilibre de chaque composition, l'inlassable tension au lead de bravoure.

Un muscle bandé dont on ne se lasse pas d'admirer le lustre noir, la pureté misanthrope : paradoxe manifeste de la -trop rare- réussite de tout groupe de raw Black qui se respecte. Là où le titre éponyme touche au mystique et la piste de clôture, à une remarquable intelligence atmosphérique, toute en lancinances et en nostalgie, PREVALENT RESISTANCE montre qu'il a tout compris, et décolle haut, très haut dans le ciel finlandais, aux côtés du seul alter-ego qui soit digne de comparaison, en terme de pertinence : nous nommons, non sans orgueil, HORNA.