Une bonne partie des "nouveaux metalleux" qui ont découvert le Metal avec RHAPSODY ou MANOWAR sont les mêmes qui ont découverts le grand cinéma épique avec l’imbattable trilogie du Seigneur des Anneaux. La collaboration de ses deux groupes avec M. Saruman en personne amenait forcément à penser que le plus cool des méchants du monde allait finir par pousser la chansonnette dans son coin pour son nouveau public de jeunes puc… geeks.

Il n’est jamais trop tard pour être une rock star, et le plus cool des octogénaires du monde (87 ans, il bat sûrement des records !) choisit de se mettre la couronne d’un des plus grands et sanglants rois du haut Moyen-Âge sur la tête, celle d’une de nos icônes chrétiennes nationales, ce bon vieux CHARLEMAGNE (qu’on prononcera "tchaaleméyne" pour l’occasion). Le passé sanglant de ce très grand chrétien nous aurait forcément amené vers quelque chose de sombre, et on ne pouvait que fantasmer la voix génialissime du bonhomme avec du gros Speed Sympho et du gros bombardement symphonique à te faire trembler les meubles.
On pouvait aussi craindre clairement la magouille commerciale, avec un album bien dans les normes du Metal Symphonique et l’apparition de tous les "potes" de Christopher Lee, pourquoi pas Peter Jackson aux castagnettes, et (plus sérieusement) un Luca Turilli nous déballerait un solo bien à lui. Ça aurait p'têt été sympa, et on aurait trouvé ça cool.

Mais CHARLEMAGNE est un projet sérieux, le concept est tellement fouillé que le cd se transforme en condensé de cours magistral et d’audiobook-opéra avec une métrique pifométrique provoquée par une écriture en prose qui ne paraît pas vraiment adapté au chant. Et Christopher prend tellement à cœur le rôle de notre bon roi que, durant les premières écoutes, on se prend au jeu, on écoute ce que le monsieur a à dire et on se tait. Et quand il éjaculera un « I shed the blood of the Saxon meeeeeeen » avec son coffre vocal fait de bois peut-être vieux mais solide, on se prendra même à trouver ça bien.

Les écoutes suivantes, c’est un peu l’effet "musique de film sans film" qui apparaît. Marco Sabiu, le compositeur de la chose, est quand même un type qui a bossé avec KYLIE MINOGUE et FRANCOISE HARDY entre autres, mais non, je ne juge pas.

Et là, c’est du classique-épique plutôt banal qui fait "tadada" quand on l’attend, et qui, lorsqu’il ne s’étale pas sur des longues narrations, s’empâte dans le mollasson, voire le mielleux (mon bide remercie le disneyien "Act V: Starlight" qui m’a fait tellement hurler de rire que j’en ai perdu mon hoquet). Et vraiment, il va falloir avoir des détecteurs de métaux pour vraiment trouver du Metal là-dedans. Allez, deux trois petites "montées" mid-tempo utilisant exactement le même riff et virant souvent dans l’hymne à la joie pompeux, avec des refrains qui auraient pu être vraiment bien ("The Age Of Oneness Out Of Diversity") mais manquent à chaque fois de vraiment nous propulser dans un nouveau niveau de "violence" (le mot est fort).

Sans doute un peu banal pour les fans de classiques, trop peu Metal pour le chevelu, trop blablateux et téléphoné pour à peu près tout le monde, CHARLEMAGNE est une curiosité, mais ne refait pas l’histoire.

(Mais putain, 87 ans quand même, je veux un papy comme ça !)