Depuis plusieurs années, le Metal Symphonique et moi sommes fâchés. La faute aux sacrément populaires NIGHTWISH et WITHIN TEMPTATION, qui, involontairement, ont fait basculer le style dans un business lucratif. Le succès des deux formations a donné des idées. "L’objectif musique" est devenu "l’objectif thunes", comme le slogan célèbre de la bande à Fetus. Depuis quelques temps, il suffit de prendre une chanteuse bien roulée, un batteur à deux bras susceptible d’être manchot et un guitariste capable d’aligner quelques accords pour avoir un groupe de Metal Sympho de plus sur le marché. Il faut ensuite soigner la Gimmick afin de cibler les adolescentes aux ongles vernis de noir et le tour est joué.

Avant qu’une ruée de commentaires en langage SMS ne s’abattent sur ma pauvre chronique, je tiens à modérer mes propos en citant un éminent philosophe Français de notre ère, qui disait ceci : "Y’en a des biens". Et parmi ces "biens", se trouve Marcela Bovio, chanteuse Mexicaine à la voix de velours. La belle demoiselle qui officie dans les groupes AYREON et STREAM OF PASSION sous la houlette d’Arjen Lucassen, m’avait marqué par son chant aérien et délicat que l’on peine à trouver chez ses consœurs.

Je me lance donc dans l’écoute de ce deuxième album d’ELFONIA en pensant avoir droit à du Metal Symphonique dans la plus pure tradition, et bien, j’ai tout faux. Metal Progressif enrobé de Jazz au programme. Pour moi qui affectionne les mélanges et tout ce qui est susceptible de sortir des sentiers battus, c’est donc une bonne nouvelle. ELFONIA ne sera pas un énième groupe bateau façon "Big Mac" : vite avalé, vite oublié.

Je me rends même compte que l’album n’est pas si facilement abordable qu’il en a l’air. Marcela ne nous rentre pas vulgairement dans le lard comme une brute, mais fait preuve de délicatesse, d’élégance et surtout de classe avec son chant espagnol planant. "Soundscapes", un des rares titres en anglais, est emprunt de douce mélancolie, aucune surenchère, juste la voix pure de notre Mexicaine portée par une guitare électrique discrète et un batteur qui fait sobrement son boulot. C’est à peu près l’esprit global de "This Sonic Landscape" même si au fil de l’écoute on découvrira des fragments de Rock Progressif, de Gothique, d’Ambient et même de Funk.

L’ambiance apaisante et calme occupe la majeure partie de l’album. Il ne faut donc pas s’attendre à des frappes lourdes et des riffs entêtants, oh non, le style de la maison se veut très sage. C’est là son principal atout mais aussi sa plus grande faiblesse. Les amateurs d’extrême passeront donc leur chemin bien vite, excepté ceux recherchant un remède efficace contre l’insomnie.

Car il est vraiment nécessaire de se plonger dans l’atmosphère sereine que met en place ELFONIA pour que la musique prenne enfin tout son sens. D’autant plus que notre chanteuse n’est pas le seul intérêt de l’opus, la qualité de la musique joue un rôle tout aussi primordial. En effet, l’ancien compère de Marcela Bovio avec STREAM OF PASSION, le claviériste, Alejandro Milàn est présent sur l’opus et offre un savoir faire intéressant. On pourra même retrouver Arjen Lucassen sur "Camaleon", le néerlandais cordialement invité à poser son riff de guitare.

Plus expérimental qu’il n’y parait, "This Sonic Landscape" se montre assez dense et consistant. C’est évident qu’on est loin du Sympho basique précédemment évoqué, c’est même l’opposé car chaque titre dénote un effort de composition et un travail sérieux. Mention spéciale à "Gigantes I", doux rêve qui monte lentement en puissance, mais aussi à "Mañana" le morceau le plus entraînant, basé sur une rythmique plutôt funky et enfin à "Gigantes II" petite merveille de progressif.

Cet album est une petite surprise en soi, doté d’une originalité certaine, mené par un groupe talentueux et imaginatif, "This Sonic Landscape" est musicalement riche. Malheureusement, il est certain que le son que nous propose ELFONIA ne fera pas frissonner tous les mélomanes en herbe, le coté lancinant et langoureux peut, il est vrai, s’avérer un brin pompeux sur le long terme. Néanmoins, ces Mexicains sont une alternative intéressante pour les nombreux amateurs de voix angéliques qui, comme moi, ont fait saturation des NIGHTWISH bis…