Trois albums et un DVD, c’est le prix payé par THUNDERTALE, obscure formation lituanienne, pour enfin ensemencer le terreau grassouillet de NIME et susciter l’attention d’une poignée de lecteurs français.
Que lui susurrer à cette poignée persévérante ? Tout dépend du niveau d’exigence, à vrai dire. Et de son ordinaire.
L’amateur qui hache menu tout ce qui ne frétille pas au ras du panier ne ratera ni fulgurance ni passion à laisser sa platine au point-mort. Mieux, l’économie d’énergie subséquente passera pour un geste environnemental, œuvrant à la survie de nos descendants qu’on ne connaitra jamais, qui s’habilleront probablement comme des sacs, qui écouteront la musique qu’une major catapultera sans sommation sur leur i-pod 75ème génération et qui se livreront à de juteuses partouzes dès six ans. Bref, des petits cons comme on n’en fait pas encore tout à fait (mais les médias y travaillent, ne croyez pas) mais puisqu’on nous explique qu’il faut quand même leur donner une chance, soit.
Les autres, et notez qu’à ce niveau, la poignée évoquée plus haut a diminué comme l’alcool de riz passé au crible de la fermentation, les autres donc verront en THUNDERTALE une occupation bien plus satisfaisante que la pochette aux tons criards ne l’avait laissé supposer.

Sitôt la rotation enclenchée, ce troisième album dégage des fragrances incommodantes. Un mélange de plastique usé et de papier jauni. Peu ragoutant, j’en conviens. Quand une formation de heavy mélodique éparpille des riffs ou des solos chinés dans l’ombre d’une brocante de quartier, qu’espérer ? L’intro de "Warriors Of Thunder" est ennuyeuse, trop conformiste, avec une structure usée jusqu’à la corde. Pourtant, au milieu de ce naufrage, une barque résiste miraculeusement aux roulis de la critique. En son creux, un refrain, classique mais fédérateur, qui fait des pieds et des mains pour se faire remarquer. Du coup, et c’est un brin agaçant, un titre parti sur un trot de flânerie champêtre se transforme soudain en compétiteur au point qu’on le soutient jusqu’à la ligne d’arrivée.
Et voila "Battle Of The Sun" qui réitère l’affront. Le refrain est comme une main écartant la neige tendue par une avalanche. Et à ses côtés, un autre appendice qui appelle à la rescousse, la rythmique pêchue.
Un doute alors : jusqu’où va nous mener cet album ? Voyons. Escale à "No More Fear", pour l’instant, court titre folklorique dominé par un refrain (ahhhhh) à s’égailler joyeusement et des interludes sautillants. Passage par "Knight Of The Lonely Star", ensuite, power-ballade qui en arriverait presque à nous arracher le peu de larmes qui nous restent. On croyait avoir tout vu, sauf que THUNDERTALE fait pousser une plante supplémentaire sur la sépulture de WARLORD avec le miracle "The Holy Fire". Oui, miracle ; ce titre épique et puissant est bien la déflagration rugissante de l’album. Ils me font quoi, là, les lituaniens ? "Queen Of Slaves" impose à son tour le refrain qui fait se cambrer les reins et bomber le torse puis "Rise And Fight !" fait enfin la lumière sur une guitare peu à la fête, elle qui déroule un bon solo avant d’électriser riff accrocheur. Faut-il évoquer le refrain capable de faire s’ébranler une armée promise au casse-pipe ? Faut-il dresser le constat que THUNDERTALE vient encore de marquer des points ? Je m’acquitte de cette tâche, je commence même à la trouver fort agréable. Enfin, on termine sur une très belle note avec le folklorique "Lietuvos Broliai Į Karą Jojo", excellent et original.

A l’heure des comptes, observons ce qui reste sur la table après avoir scrupuleusement balancé par la fenêtre du troisième étage l’inconvenant : un paquet de refrains comme on les aime, une jolie ballade, deux titres folkloriques entrainants et une petite pièce épique tonitruante. Sur le trottoir de l’immeuble, des riffs sans grande saveur et quelques plans surfaits. Finalement, beaucoup moins d’éléments que prévu. Même la prod fait bonne figure.
Alors, en toute honnêteté, le temps n’est plus à la sanction fomentée dès les premières notes mais bien aux encouragements. THUNDERTALE, avec ce troisième album, mérite une attention soutenue. Il y a sur son disque d’excellents moments et assez de personnalité pour pardonner l’insipidité des passages les moins inspirés.
Une très bonne surprise.