Le Metalcore peut être grisant. La preuve : BURNT BY THE SUN. Suffit que le « core », le noyau, soit dur comme de la roche (Hardcore) et lie sa férocité à une incontestable vigueur mélodique, capable de différencier les morceaux, et le tour est joué !

Les Américains du New-Jersey nous infligent cette médecine sur leur troisième boulet de canon, un condensé effectivement balancé entre l'appel aux armes (leurs textes sont extrêmement engagés politiquement et on ne sera pas surpris d'y retrouver des traces des bombes en Irak) et de sévères matraquages mélodiques.

Les mots de Mike Olender sont hurlés avec conviction et le chanteur tombe parfois même dans la surenchère aiguë, pour être certain que l'agression porte ses fruits. Et on a souvent l'impression qu'il nous parle ! Ça pourra en énerver quelques-uns, mais la musique est si accrocheuse que ça se pardonne facilement. Surtout que les back vocals ou les refrains en chœur ("Inner Station", "Rust-Future Primitive") insufflent un petit côté « charmant », rassembleur, au groupe. De vrais mousquetaires ! Enfin, le temps n'est pas à la fête, nous sommes vraiment « au cœur de la noirceur ». D'ailleurs, la formation s'est inspirée d'un roman de Joseph Conrad sur la dualité de l'homme (le titre de l'album) pour pécher. C'est ce roman qui a permis à Francis Ford Coppola de nous léguer "Apocalypse Now"…

Fait cocasse : Olender a déclaré lors d'une entrevue que les membres ont tous des vies stimulantes et heureuses, mais que lorsqu'ils se réunissent pour créer, la frustration ressort naturellement. Si c'est pas un bon signe d'une échappatoire, ça ! En tout cas, ça s'entend sur "Heart Of Darkness", surtout concernant les « choix stratégiques » de l'Oncle Sam :

A stake in the cradle of civilization
At the expense of civilization itself
An objective for decades finally achieved
Two hundred years of progress back to the savage mind

Dix titres lacèrent ce disque, dix crépitements que vous n'aurez pas trop de misère à isoler après trois ou quatre écoutes, ce qui est pas mal. Quelques-uns passent inaperçu, dont "A Party to the Unsound Method", mais je ne dirais pas que BURNT BY THE SUN nous a pondu du matériel à trier sur le volet. Une masse compacte et explosive, une veste de kevlar, voilà ce que les Américains représentent à mes oreilles.

Des plages telles que "There Will Be Blood" et "Rust-Future Primitive" font inévitablement mouche grâce à cette guitare groovy, grésillante et tranchante, l'arsenal éclatant de Dave Witte et les ambiances malfaisantes proches de la déclaration de guerre à nos dirigeants mondiaux. Des allumettes contenant le pouvoir de brûler nos mèches courtes… De foutre le brasier dans la fourrure du loup qu'est l'homme pour lui-même.

Mais au-delà de ces desseins cachés, la maîtrise des armes est ce qui marque le plus : le son que produit BURNT BY THE SUN est précis et puissant, un coup de foudre dans la tronche. Les mélodies couronnent le tout, cerise atomique sur le sundae de C-4, le grattoir fume comme ce "Beacon" d'urgence au riff punché, gonfle les muscles comme ce "Goliath" massif ou cette "Great American Dream Machine", se révélant plutôt comme un cauchemar né d'une trame archi obscure.

Oui, le Metalcore de BURNT BY THE SUN est un support à la grisaille même s'il est lui-même gris foncé. L'âpreté de ses propos, jumelée à un petit déluge de dagues mélodiques, magnifient ce qui n'aurait pu devenir qu'un autre poivrot de l'industrie contingentée du « Core ». Des atomes de ce noyau ressemblent parfois à des étrons… mais pas "Heart Of Darkness".

Titres préférés : "Inner Station", "There Will Be Blood", "Rust-Future Primitive"