Continuons notre exploration du Black Sympho norvégien peu connu, tombé dans les lézardes d'EMPEROR et consorts. Mes chers fans avides de découvertes en retard (vous êtes peu nombreux, je sais, mais je préfère comme vous la qualité à la quantité) voici le sextette MACTÄTUS et son deuxième album, "Provenance Of Cruelty".

Il n'y a pas 2000 sortes de Black Sympho. Si on pousse le bouchon au maximum et qu'on est vraiment manique de ce genre en perte de vitesse, il y en aurait deux : celui qui a le tempo dans le tapis (ANOREXIA NERVOSA) et celui qui alterne les passages avides avec des transpirations salvatrices. MACTÄTUS fait partie de ce plus large des deux clans, mais mise beaucoup sur les lents cortèges et les cavalcades/riffs moyennement apeurés. C'est du Black Sympho fantaisiste, sous-catégorie de la plus grande famille du genre, celui qu'affectionne BISHOP OF HEXEN ou COF, à la rigueur. On a l'impression d'être emprisonné dans un conte extravagant, hostile, mais toujours mélodique et appétissant (avec une touche de crème s'il-vous-plaît). Pas trop de puissance, pas de prod' de malade, de l'atmosphère en masse, bref, juste ce qu'il faut pour distraire et non renverser d'un souffle atomique.

Huit titres corpulents constellent "Provenance Of Cruelty". Rien de bien hallucinant, mais du solide, ça oui. Les Norvégiens ne sont pas des branleurs et sont morts trop jeunes (en 2002), car leurs quatre albums en six ans auront donné à manger aux plus voraces d'entre nous. Au menu cette fois : l'éternel thème du bien contre le mal, donc des couches planantes côtoyant des alluvions crépitant démoniquement.

Le Black Sympho étant conditionné par un atout majeur, le synthé de Forn est une vraie tuerie : le bonhomme fait ce qu'il veut de son instrument en étalant de lentes nappes cauchemardesques ("Draped In Shadows Of Satan's Pride", l'excellente "King Of The Dark Side") et épiques ("En Trone Vevd Av Tid", "Dark Journey"). La paire de guitaristes est correcte et injecte passablement de litanies et de poignards dans le cœur pour rendre "Provenance Of Cruelty" digne de mention. Quant à la voix, elle possède l'«écho» classique de la majorité des albums sous-alimentés en studio, mais à force, on en vient à se dire que ça fait partie du show, de la pièce de théâtre horrifique. En tout cas, celle de Hate Rodvitnesson n'est pas aiguë, ce qui est évidemment une tare en moins…

Ce qui distingue un peu le groupe des autres est la présence de Kathrine Abrahamsen, qui vient pimenter un peu les morceaux sur lesquels elle joue les rossignols charbonnées à qui il manque une case ("King Of The Dark Side", "Sleepless Souls", "Provenance Of Cruelty"). Clin d'œil apprécié, car le Black Sympho est un des seuls sous-genres qui ne souffrent pas vraiment de cruels préjugés liés à l'omniprésence masculine.

Ceci étant dit, MACTÄTUS manque un peu de coffre. Les mélodies sont accrocheuses (vous aurez l'impression d'avoir déjà entendu de telles notes !), mais où sont les soli, les bridges impétueux ? Même en privilégiant une approche plus tranquille dans leur Black Sympho, les Norvégiens auraient dû lâcher davantage la bride de leur coursier, car à part soutenir le synthé ou servir d'allumage, les cordes ne font que tisser une toile sans araignée assoiffée de sang. Oui, il manque de la bestiole dans ce ramassis d'accords sulfureux.

"Provenance Of Cruelty" et MACTÄTUS sont toutefois de fiers représentants de la horde des poilus disparus. Une autre goutte dans l'océan qui vaut bien un 3,5/5.