Ah, la Finlande. Ses lacs innombrables à perte de vue, ses forêts boréales battues par les vents polaires, ses habitants friands de renne cru et de bols de neige, psalmodiant des trucs bizarres en tapant sur des cercles de bois ornés. Sans oublier ses pandas arctiques aux mœurs profanes, courant éperdument sous les conifères, tout de cuir et de clous vêtus. La Finlande : pays des saunas, des pirogues pâtissières, du plus grand symphoniste post-romantique… et d’un underground expérimental hippioïde dont tout le monde se fout.

Car oui, The Magick Travelling Backpack Band, que l’on abrégera TMTBB, non content de comprendre en son sein deux illustres inconnus (plus inconnus qu’illustres, de reste), voit également collaborer deux noms de l’UG finnois, tous deux adeptes des drones psychés à incartades blues ou digressions folk, la légende Keijo (aussi connu pour son groupe jazz Vapaa que pour sa collaboration avec Pekka Airaksinen) et Jani Hirvonen. Et qu’est-ce que peut bien donner cet alléchant mélange ? Une gigantesque séance d’impro en roue libre Amon Düülesque, tout drone dehors ? Que nenni, ou plutôt si : improvisé, TMTBB l’est, mais bandant, là, rien n'est moins sûr. Surtout après une première piste purement tribale n’embrayant que vers la deuxième minute, après quelques étranges jeux de gorge de Keijo et autres percussions éparses, didgeridoo (?) en fond. Arcanes mystiques sous fond d’économie des moyens et légèreté d’ensemble, un sourcil se lève, le soupçon grandit : pour un peu, tout cela sonnerait très hippie naturaliste/brother of weed, non ?

Eh ben, si. La gêne s’installe définitivement et les sourcils se froncent. Ça et là, quelques gentilles notes bluesy sur une même mesure de basse inchangée ("This Is Going On", 7 minutes quand même), quelques drones rachitiques aussi puissants qu’un pet de mouche dans une tornade ("Still Something Green" et "Changing Planes"), tombent sous nos oreilles tels un étron dans l’eau : plouf. Et à ce titre, l’absence de production et l’éloignement des acteurs donnent un rendu distant, de fait particulièrement incohérent : coupons les amarres à toute immersion ! Place au recul ? Eh bien, place au recul, puisque nous n’avons pas le choix.

Entre expérimentations tenant plus de l’abstraction bruitiste qu’à un mode d’expression mature et improvisations avortées, le quota des temps forts frôle fatalement le zéro absolu. Décrochage, ennui, légèreté des formes, récit décousu dans cette valse du portnawak. Les morceaux se suivent et se ressemblent dans leur indigence, à tel point que certaines fulgurances qui arrivent à se dégager du lot, telle la joliesse de cette flûte aux inflexions graciles sur "Changing Plane", ne parviennent qu’à valoriser l’assourdissante vacuité d’ensemble. Les conclusions, inexistantes sur deux pistes, sont torchées à coup de cuts grossiers. De ce naufrage général, seule la section rythmique tire avec honneur ses épingles du jeu.

Je ne recommande décidément ce brouet de free/drone/psychédélique à personne, de toute manière, l’album ayant été édité à 100 exemplaires, il y a peu de chances que ça intéresse quiconque ici. Je retourne de ce pas savourer "The Dance Of The Moon And The Sun" de NATURAL SNOW BUILDINGS, le sublime, mais avec les mêmes armes. (Allez les gars, écoutez ce groupe, allez quoi !)