Belle surprise que cet album ! En fait, deux surprises m'ont envahi à l'écoute de "Songs For The Lost", cinquième effort des Croates d'ASHES YOU LEAVE : le Gothique connaît une année moyenne mais satisfaisante et la Croatie n'échappe pas à l'influence créative du devil horn ! Ah ben. J'applaudis lourdement en rayant dans ma tête le préjugé numéro 379, c'est-à-dire « Les Croates n'excellent qu'en lancer du poids, en haltérophilie et en avalage de bière ».

Il faut vous dire avant de placoter de ce disque, ami lecteur, qu'ASHES YOU LEAVE a opéré deux changements majeurs ces dernières années. Premièrement, gardez en tête que le sirop que vous entendrez sur "Songs For The Lost" n'a pas toujours été si romantico-gothique, mais plutôt Death/Doom. Ils gardent désormais le taureau en bride. Deuxio, la chanteuse qui officiait sur les quatre premiers opus a foutu le camp au profit de la jolie voix de Tamara Mulaosmanovic, dont le nom est évidemment injouable au Scrabble… à moins d'échelonner sur deux tours, mais c'est contre le règlement. Tamara partage le micro avec Berislav Poje afin de rendre hommage à la formule « La Belle et la Bête », approuvée par LACUNA COIL et d'autres libellules gothiques.

Sachez surtout que la musique des Croates est structurée autour de deux instruments principaux, ce qui vous donnera une petite idée de l'ambiance qui sévit : violon et clavier. Comme souvent en Goth, les guitares jouent un peu un rôle secondaire, davantage sur la deuxième moitié du skeud, décalée par rapport au début, plus rock et groovy. Eh oui, "Songs For The Lost" souffre du syndrome du relâchement progressif, dans le sens chronologique et non musical du terme. Heureusement, il ne s'éternise pas et se tire aussitôt le concert terminé. Ex : après avoir écouté "Apathy Overdose" et "The Feast", avec ses riffs incisifs et son mix de voix conférant une atmosphère somme toute virile à l'œuvre grise-rose, difficile de croire que le rythme ralentit jusqu'à "Soul Of Ice", littéralement gelée dans un lyrisme saoulant.

Malgré ses qualités indéniables, ASHES YOU LEAVE fait un petit peu trop dans le dramatique. Il est pourtant talentueux et ses racines Death se laissent apprivoiser avant de repartir sous terre aussi rapidement qu'elles sont sorties. Donc, ne vous attendez pas à une répétition de la pièce d'ouverture, vous serez déçus. Cependant, si vous êtes mûrs pour une séance de musique « sentimentale et chamboulante », vous adorerez les envolées de Tamara sous couvert de ses propres notes au clavier, de celles de Marta Batinic au violon et des quelques soli répandus à droite et à gauche. "Stranded" est un des morceaux les plus complets dans le genre : il allie la force émotive de la balade avec les muscles des grattes mélodieuses. C'est probablement ce qui m'a frappé le plus chez le combo, cette facilité à assortir le tendre et le charnu.

Parmi les autres moments marquants, notons "Every You Every Me" et son intro très irlandaise au violon, une reprise du groupe Placebo, un beau « slow », à l'instar de "Taints". C'est d'ailleurs à partir de cette sixième et touchante plage que la descente à l'eau de rose débute. Les rares démonstrations de vigueur sont terminées ; ils ne s'enfournent pas atrocement dans la vase parfumée, cette finale étale ses mélodies accrocheuses, mais est seulement trop « soft ». Enfin, elle respecte et expose la démarche des Croates, ce qui est une preuve d'authenticité. Si l'auditeur aborde l'album en ce sens, tout est réglo.

ASHES YOU LEAVE pour les jours de pluie, les peines d'amour, les spleens écrits ou hurlés, les rafales de vent glacial, ASHES YOU LEAVE pour la surprise d'aller en Croatie le cœur léger sans attendre une perle tombée de l'océan céleste. ASHES YOU LEAVE pour les femmes et leur copain orgueilleux. ASHES YOU LEAVE pour le divertissement coquin, la flamme vacillant au bout d'un souffle extatique.

Note réelle : 2,5/5