C'est la deuxième fois cette année que je tombe sur un vieux groupe qui renaît de ses cendres après une longue « pause santé ». Le premier était SEANCE ; les Death métalleux suédois n'avaient pas jammé ensemble depuis 16 ans avant de pondre "Awakening Of The Gods". Voilà maintenant AT WAR, des Américains trasheurs de Virginia Beach (bel endroit !) dont le dernier méfait (à part un split minable en 2002, mais ça compte pas) remontait à… 1988 ! Inutile de vous dire que ça pue la boule à mite ce "Infidel", 34 minutes de Thrash old school qui foutra des chocs électriques aux increvables diablotins à foulard sur la tronche et à la veste de cuir patchée du col à la ceinture. Allez, « aaaaaaaatttttt wwwwwaaaaaarrrrr !!! » tout le monde, à l'examen gérontologique ! N'oubliez pas vos gants pour les endroits douteux, votre miel pour la gorge usée de Paul Arnold, la Vaseline pour les brûlures de cigarette sur le corps de Shawn Helsel et tout le toutim.

Il est clair qu'AT WAR n'était pas obligé de revenir. Il serait étonnant que l'on soit témoin d'une remontée en flèche du Thrash vieille école dans un futur rapproché. Mais ça fait bougrement plaisir de le recroiser de temps en temps ce motard à l'engin bien luisant. Ce Thrash aux textes insipides (dans les années 80, on bûchait sur le Vietnam, là c'est le 11 septembre ou l'Afghanistan, même merdier, différente époque) où la guerre, l'hypocrisie des leaders et la mort sont tatouées partout. Ce Thrash 4-4 carré, riff-refrain, ce son sale, primitif, ces guitares toutes empruntées à SLAYER dira-t-on, le « tueur » du style qui nous intéresse (écoutez "R.A.F.", c'est révélateur…), ces soli presque joyeux… Ce bon vieux Thrash qui persiste à respirer encore dans cette marée de productions découpées au millimètre près, ce bon moteur qui refuse de rendre l'âme même si son réservoir est percé de tout bord tout côté. Ce grisonnant rebelle qui porte la même paire de jeans depuis 1976.

Eh bien, ce desperado marche encore. AT WAR nous gratifie même d'une version remâchée de "Rapechase", gravé sur son premier skeud, le « très beau visuellement » et anti-guerre "Ordered To Kill" (sorti la même année que "Master Of Puppets"). Pas mal comme façon de faire oublier que deux décennies se sont écoulées et que malgré ce trou noir dans son existence, le trio est encore capable de secouer le manche et les baguettes avec dextérité.

Bon, on fait bien des farces, mais les papis thrasheurs ont quand même encore quelques minutions dans leur kalachnikov : ils envoient la purée de poix notamment sur "Assassins", "Semper Fi", "Want You Dead", "Vengeful Eyes" et "Rapechase". Et ils le font avec l'aigle à tête blanche estampillée sur le cœur, dans les tripes et peut-être ailleurs. Pas de foutage de gueule, de prétention haïssable, que de la descente de batterie (et de vessie) et de la rage crachée au visage. « Bring those bastards down ! » L'aigle se paie un repas à même les cadavres des soldats envoyés au front, camouflés par le mini-tank AT WAR.

Je vous en conjure, jetez-moi une oreille sur cet "Infidel", ne serait-ce que par bonté… AT WAR arrive à nous faire oublier un peu ses rides avec ce skeud un brin redondant mais honnête, tel du bon vieux Thrash à pupitre de bois. Sans dire que les Américains sont du bon vin s'améliorant avec les années, le poids de ces dernières pesant lourdement dans la balance, on peut les féliciter pour ce voyage dans le temps... actuel.

Note réelle : 2,5