BEHERIT se reforme…

Qu'est-ce que ça sonne mal.
Une reformation, cet acte généralement synonyme de ratage et qui consiste au retour sur disque et/ou sur scène de musiciens ayant depuis longtemps perdu la foi et motivés par l'argent et/ou la nostalgie de leurs vertes années. Sur le plan artistique, les reformations se soldent dans leur écrasante majorité par des bides monumentaux, un retour aux sources écorné par les rides du présent, une sincérité blafarde, une impression de vide désespérant. Une reformation, un truc de professionnels du monde musical.

Voilà où le bât blesse. S'il en existe un seul pour lequel toute renaissance me paraissait plus qu'improbable, il s'agit bien de BEHERIT. BEHERIT l'odieux, BEHERIT le mal absolu, BEHERIT le seul véritable true certifié conforme. Manque de bol, lui aussi s'est fait contaminer. Et perd d'un coup d'un seul son statut unique dans la sphère des musiciens du diable. BEHERIT, un groupe comme les autres donc. Après tout, DARKTHRONE nous a bien fait un coup similaire quelques années auparavant. Mais quand même, c'est triste.

Tant pis, écoutons l'objet une demi-fois, torchons une chronique en vomissant sur la galette et partons nous coucher.

Mais d'abord, la partie informative :

BEHERIT revient donc après 14 ans de silence. 5ème album officiel, Nuclear Holocausto Vengeance et Sodomatic Slaughter se trouvent deux nouveaux potes de hangar qu'ils baptisent Ancient Corpse Abyss et Twisted Baptizer. Le quatuor s'en va retrouver le son de crachoir du malin sauce sectaire de "Drawing Down The Moon", unanimement consacré chef-d'œuvre de l'artiste.

Maintenant, le tir aux pigeons :
[…]

Costauds les pigeons.

"Engram" est bon.

Terriblement bon même.

La surprise de l'année ?

Pas loin.

"Engram" reprend bien l'étonnante recette de "Drawing Down The Moon"…
Pour la peaufiner et proposer un contenu plus convaincant encore qu'un 2ème album souffrant des restes d'infantilisme qui datent du brouillon "The Oath Of Black Blood".
Une balance mieux équilibrée entre black garage et délires synthétiques nauséeux, une écriture plus variée et une apothéose finale qui donne envie d'y revenir (l'époustouflant "Demon Advance", petit miracle de psychédélisme méphistophélique languissant).
"Engram", de la sauvagerie tendance anale et cornes de bouc mariée à ce mysticisme post-apocalyptique en robe de bure dont seul le Finnois détient le secret. Et l'union démarre dès les premières notes, un vomi punkoïde saucé à la première décélération par un clavier aux touches pesant 1000 tonnes. Clavier qui tend à s'alourdir encore au fur et à mesure que la musique du maître captive des esgourdes qui ne s'attendaient certainement pas à ce déluge de réussite primaire. Clavier secondé par des sons préprogrammés destinés (c'est le cas depuis toujours chez BEHERIT) à souligner la part religieuse de la bête.
Des riffs vulgaires et surpuissants, un chant régénéré à l'acide (Marko Laiho n'a jamais aussi bien hurlé), d'infectieux breaks liturgiques, le fumet unique dont s'est imprégné l'animal d'Helsinki depuis ses débuts.

BEHERIT et sa religion des crados nous est revenu dans une version plus primitive que jamais, plus élaborée et spirituelle que jamais, contradiction noire et lumineuse qui nous fait dire qu'on vient peut-être d'assister à la première reformation valable de l'histoire du metal.

Alleluiah !