Je vous arrête tout de suite, rengainez vos armes et ne prononcez pas le fameux mot de quatre lettre qu'il ne faut pas formuler sous peine de provoquer un tremblement de Terre : les Allemands de KATHARSIS, après avoir chaviré le monde difficile à bousculer du Black crado avec son dernier opus malsain "VVorldVVithoutEnd" (2006), n'ont pas décidé de collectionner les croix gammées. Ils sont toujours aussi satanistes et quand on est sataniste, on aime parler du diable et ses serviteurs sous toutes ses formes. Étonnant d'ailleurs qu'ils n'aient pas encore délégué un des leurs pour venir interviewer mon alter ego… Bref, quand on aime l'imagerie infernale, on adore provoquer les cœurs sensibles, choquer les prudes et abattre toute barrière de bon goût. "Fourth Reich" serait donc plutôt une manière pour les teutons de souligner la sortie de leur quatrième album…

"VVorldVVithoutEnd" était très bon, excellent pour certains. On se souviendra longtemps de ses longues processions incantatoires telles que "Vvytchdance" et la pièce-titre de 16 minutes complètement folle. "Fourth Reich" l'est moins. Pourtant, il emprunte la même damnée formule que le sommet de KATHARSIS : la répétition des riffs pachydermiques légèrement fuzzés additionnés d'une avalanche de hurlements malsains et inaudibles, le tout créant un mur impénétrable soutenu par des fûts décalés mais bourrins. Même furieuse formule. Même histoire d'horreur. Pas d'abus de mélodie, l'accent est mis sur la haine (oui, encore elle, on se répète), mais que voulez-vous, on ne réinventera pas la roue : quand un groupe se dédie entièrement à l'Enfer et ses tombes, ça sent le moisi et la chair putride à pleins naseaux. Et c'est ce malaise intrinsèque que provoque une fois de plus ce quatrième volet des « Aventures des Allemands possédés ».

Vous reconnaîtrez la totale dévotion du trio sur la piste d'ouverture, "So Nail The Hearts" et son souffle de souffre incandescent de 13 minutes (on étire autant les sévisses). Contrairement à d'autres pépites de grès de l'album, son riff principal est rond et clair et suit évidemment le cortège jusqu'à la fin. Cortège qui fera quelques arrêts de santé afin de reprendre des forces pour reprendre sa marche funéraire plus fort. Un des seuls moments qui bottent les fesses et qui s'accrochent à la religion créée par KATHARSIS, profitez-en chers fidèles.

Le reste, il est moyen, si on exclut "Sinn Koronation". "Eucharistik Funereal" ravage pourtant tout ce qui ose piétiner ses sillons, mais il le fait sans multiplier et dégrader ses couches de suie. L'ensemble est un peu trop brouillon, on s'y retrouve moins bien qu'avant. Les Allemands ne font pas de concessions, certes, ils font écarquiller les yeux et la gueule, mais bon, ce n'est pas comme s'ils étaient nouveaux sur la scène raw-crado-démoniaque. Le plafonnement ne doit pas leur tomber dessus… "Reckoning" a bien un bon riff et déboule son fiel à haute vitesse, mais le caractère « FTW » présent sur "WWE" a baissé d'un cran. Les Allemands vieillissent-ils prématurément ?

Après l'instrumentale "Emerald Graves", KATHARSIS lorgne enfin du côté du Drone Doom sur "Sinn Koronation" avec ses grattes étouffantes et les cris déjantés à l'écho poilant de Drakh. Mais attention, pas question de s'endormir, M.K. et Scorn accélèrent le rythme après quelques minutes en oubliant au passage les airs qui poignaient à la gorge sur "VVorldVVithoutEnd". Heureusement que Scorn a gardé quelques soli à graver ici et là, car la facture aurait été coûteuse pour rien. Celui sur cette dernière baffe est génial soit-dit en passant, il la sauve presque de la chambre à gaz.

La hargne pestilentielle de "VVorldVVithoutEnd" n'est plus. La vitesse et précision d'exécution y sont encore, à l'instar de la brutalité, mais le goût est fade. Dommage que j'en sois réduit à comparer deux albums, mais avouons qu'avec une telle bombe larguée en 2006, on pouvait s'attendre à un truc autant sinon plus explosif. Faut croire qu'il était difficile de se relever d'une telle gueule de bois.

"Fourth Reich" n'est pas mauvais, loin s'en faut, il est juste décevant.