C'est si facile de critiquer un album pour lequel les critiques ont été unanimes. Si facile. Surtout quand les avis ont été négatifs et démolisseurs envers le dit opus. Quand un album est poche(*), rien de plus facile que de cogner sur le clou pour l'enfoncer bien profond pour le voir disparaître. Or, lorsque le contraire se pointe, avec ses bottes reluisantes et son sourire de parvenu chevauchant une monture au pelage étincelant, la seule alternative aux applaudissements possible est un matraquage de huées. Je me retrouve devant ce dilemme pour CROM, qui dépose son premier disque à nos pieds en espérant je ne sais quoi. De la pitié, de la candeur, de la sympathie ? Non, il veut de la crisse(**) de vérité et je vais lui en donner.

Il faut d'abord préciser, pour étirer le rayon "sympathie", que CROM est le projet solo de l'Allemand Crom (je me contrefous de son vrai nom, j'aime bien celui-là), un jeune musicien et chanteur au talent immense accompagné d'aides de camp en concert. En studio toutefois, il décharge vaillamment sa semence de faucheur de frimousse. "Vengeance" est un étalage précoce de ses aptitudes qui prendra de court tout amateur aux préjugés exacerbés envers un premier album. "Vengeance" est solide, mélodique, épique, catchy, les qualités requises pour faire tourner les têtes. Surtout qu'il part avec deux prises, étant un nouveau venu sur la scène métallique.

CROM est le parfait mélange entre le Viking et le Pop Metal. Bon, là je dois m'expliquer rapidement pour ne pas être perçu pour un pauvre poivrot de chroniqueur à la manque qui écrit des phrases incendiaires pour le plaisir de choquer son public. Viking parce l'artiste manie habilement la guitare sèche, les riffs accrocheurs louant les zizanies ancestrales des barbus l'ayant précédé, les chœurs martiaux et rassembleurs et le synthé cimentant le tout avec des airs éthérés suant un bon coup.

Pop, parce que même s'il est estampé Power Metal, CROM ne fait pas dans le Speed viril aux moustaches proéminentes pour écheveler ses auditeurs, il préfère le saisir aux tripes avec des compos recruteuses. Les deux pièces de départ, "Wings Of Fire" et "The Restless King", avec respectivement leur refrain contagieux et leurs lignes unificatrices, lancent le coûteux bal avec un sortilège infaillible. Celui du Heavy Épique frayant avec le Power, mais il ne tromperait que les plus néophytes de ce monde, car Crom est avant tout un grand sentimental aux muscles de pierre. "Vengeance", de par ses cordes faussement virulentes et sa voix claironnante, est une œuvre née pour devenir démocratique.

Démocratie qui est démontrée dans les chœurs omniprésents et partiellement lyriques, les textes basiques et naïfs (« Like a phoenix I will rise from the ashes ») et les ambiances rarement agressantes pour l'oreille. Le fan de Heavy se ruera sur cette galette sans tarder, car il retrouvera sans doute ses amours d'antan qu'il croyait morts. CROM leur insuffle une dose de vie royale avec sa "vengeance" et lacère ce premier freesbee argenté d'odes magnifiques soupesant des histoires d'honneur, de rédemption et d'orgueil. "Soldat" est un nom masculin après tout, non ? Han ! Les deux parties du morceau-titre nous forcent à nous en souvenir…

Après ce duo, Crom se matérialise en virtuose, laissant derrière lui les irrésistibles envolées pour expérimenter davantage jusqu'aux confins de son imagination héroïque ("The Stars Will Fall", "Hammer Of The Gods"). Il barde ses titres de sa superbe voix de chantre afin de raconter les légendes sur "Unchain The Hero" aux frottes imparables, ou les comptines "Crom" et "A Life Unbearable". Oh oui, cet Allemand au nombril vert a de quoi séduire, il en a dans le ventre et dans les couilles, ce n'est pas un problème.

Si la qualité des plages est ardemment contestable, les murmures et clameurs justifiés des instruments sombrera souvent dans une redondance lassante. Les mots « pareil » et « même » navigueront vers vos côtes ensorcelées par autant d'ingénuité et de pétulance.

CROM est malgré cela une ficelle à nouer plusieurs fois à vos doigts, car il ne lâchera pas le gigot de sitôt. Il est affamé et son Heavy divinement épique est là pour en témoigner…

(*) pourri, mauvais, raté, en québécois.
(**) sacre québécois, aussi "pire" que « putain ».