« Il est tout pourri le nom de ton groupe. Désolé, mais j’étais obligé de te le dire ».

EA.

Franchement, ça craint. EA. Non mais ! En cas de panne d’inspiration, pourquoi ne pas simplement coller deux voyelles ensemble, et ne se poser aucune autre question ?! Ni esthétique, ni folklorique, ni quoi que ce soit d’autre. Un nom aussi intangible sied plutôt bien à une musique si difficile à catégoriser visuellement. EA, comme SKEPTICISM, joue sur l’ambiguïté des mondes, la folie cosmique au ralenti.

Stylistiquement, pas de lézard : on est dans l’école du Funeral Doom Atmosphérique, la subdivision la plus en vogue et la plus claire. On est dans le mélodique et le mortifère, le mélancolique et l’écrasant. Point d’incartade Sludge, ni de revendication brute. Comme sur son bon et sans surprises premier album, EA cisèle ses structures et ses ambiances à grands renforts de claviers esthétisants, leads de guitare Doom/Death profonds et résonnants et growls putrides et spectraux. Comme répondraient les Inconnus à la question : « Comment fait-on la différence entre le bon Hard Rock et le mauvais Hard Rock ? » - soit « le bon Hard Rock, le type arrive sur scène avec sa gratte, y crache, et… c’est bon quoi ! Alors que le mauvais Hard Rock, le type arrive sur scène avec sa gratte… Y crache, mais… c’est pas bon quoi ! », en ce qui concerne le Funeral Doom, la différenciation qualitative pourrait paraître aussi saugrenue. Mais que voulez-vous, des fois, ça marche, dès fois, ça ne marche pas.

Aujourd’hui, EA propose une copie d’Atmo Funeral tout à fait convaincante et qui, en dépit de la longueur et du monolithisme de ses deux pièces fleuves, parvient toujours à incorporer des gimmicks fascinants, des éléments d’une grande beauté, des aménagement subtils destinés à laisser le clavier exprimer toute sa verve mortuaire (orgues ou cordes). Sa recette a beau avoir été éprouvée de nombreuses fois auparavant – on pense à un SKEPTICISM moins abyssal, mais toujours autant porté sur les claviers, ou bien à un COMATOSE VIGIL légèrement moins amorphe –, il y a dans sa mixture 2009 des sentiments si forts, une manière si sentie de choisir les mélodies et les breaks, qu’on peut bel et bien se réjouir. Le nouvel album d’EA est beau.

De surcroît, le groupe n’est pas totalement resté sur ses acquis de 2007. Le style reste le même, mais le mixage du son met davantage en avant la saturation légèrement crush des guitares – souvenez-vous, le premier album étalait des riffs soyeux et parfaitement lisses –, d’où une impression un peu plus authentique, moins clinique. Inutile de préciser que les anti-Atmo gerberont à la face de l’ouvrage, et que beaucoup pourraient être déconcertés par la longueur suffocante des morceaux ; il n’est pourtant pas difficile de se laisser emporter par "EA" : les mélodies y sont très belles et se déroulent avec un grand naturel, les breaks atmopshériques, peu nombreux – un long break par titre, cosmique et comateux pour le premier, terriblement funèbre, car exclusivement à l’orgue, pour le second – arrivent toujours au bon moment… EA s’est révélé sensible, clair et direct dans son approche, et décidément très bon dans l’exercice du Funeral Doom Atmosphérique.

En bref, un album consistant et professionnel, plein d’émotions noires et belles, qui vient secouer un peu la somnolence d’un monde Funeral Doom flirtant souvent avec l’écueil de l’hermétisme total ces derniers temps. Peut-être pas très original, mais un excellent moment, et, dans le style, une œuvre qui atteint son but.