Le monde du Black québécois est aussi petit que votre saucisse après une baignade accidentelle dans l’eau frigorifique de janvier. Il est minuscule. Enfin, de ce qu’on en connaît. Il est déjà incroyable qu’un label s’y consacre, alors c’est dire. Dans cette rareté, on retrouve de bons opus dignes de mention et je serais idiot de ne pas en glisser un mot avec cette chro du deuxième album de MONARQUE, un des plus « vénérés » blackeux de ma contrée. Projet solo qui vous a été présenté par l’Oncle avec "Fier Hérétique", auquel se greffent quelques musiciens studio.

Ce "Ad Nauseam" est le résultat d’une formule devenue incontournable chez toutes les formations Black à cheval entre l’underground et le mainstream : une réédition d’une première démo, gonflée de plusieurs titres, le tout réenregistré pour un son plus clair et abordable. Mais cela ne veut pas dire que MONARQUE trahit ses racines et se tranche la tête avec des couteaux trop affûtés, car "Ad Nauseam" est avant tout un skeud de Black crade classique qui fait tout de suite penser aux trésors sortis dans les 90’s. Je vous laisse le soin de les énumérer tout bas ou de consulter le Metal Hit, y’en a marre de se répéter !

J’aime les albums qui me rappellent mes débuts dans un style. Je ne suis sûrement pas le seul. Dès que la violence déferle sur l’ultra rapide rythme de "Ces Immondices", je reconnais et je souris. Les hurlements caractéristiques de Monarque réfléchissent sur ces riffs répétitifs qui grinchent et allongent souvent les titres, ces débandades et breaks de fûts bien maîtrisés qui rebuteront les amateurs de variété... Ben, les fans de non-variété vous diront d’aller vous faire foutre chez les Grecs et d’écouter de la pop pour avoir des airs mélangés. Comme dans la phrase suivante, sortie de la bouche d’une académicienne s’adressant à ses musiciens : « Merde, les mecs, on en est qu’au deuxième couplet et je suis déjà toute mélangée ».

On entre en terrain connu assez rapidement avec "Ad Nauseam" et c’est tant mieux, ce type de musique n’a pas besoin de présentation. MONARQUE, oui, car il la dépeint avec talent et puissance d’un extrême à l’autre, de l’excellente "Mes Blessures" à la transcendante "Vallée des Larmes", qui clôt admirablement l’album. J’irais même jusqu’à avancer qu’il la fait revivre dans mes oreilles et celles de mes compatriotes. Les mauvaises langues diront que MONARQUE arrive dix ans, quinze ans en retard, mais je préfère la jouer positive en affirmant haut et fort qu’il insuffle une dose de nostalgie, de vie, dans un corps malade.

Les électrochocs sont efficaces. La gratte de "Un Essaim de Corbeaux" est infiniment lourde et belle, qu’elle déboule de manière incisive ou qu’elle sombre dans un triste solo romantique. Cette dualité se retrouvera dans la très « dark » "Je ne suis pas", où Monarque et ses potes font énormément peur avec cette ode au nihilisme, et "L'Abysse aux Charognes". C’est vraiment délicieux tout ça. On oublie presque les paroles crachées en français tellement l’atmosphère du charnier est envoûtante !

Le summum de la gâterie nous provient toutefois de "La Vallée des Larmes" citée plus haut. Lieu réunissant tous les écrasants sentiments de la galette, véritable joyau au tempo oppressant et au refrain monstrueux, il met un point d’exclamation à une fameuse réussite de la part du combo.

Plus j’écoute cet album, plus je l’aime. Il a la pêche nécessaire pour me ravir quatre étoiles et ce n’est pas de gaieté de cœur que je le les lui donne. Au début, je ne pensais pas être botté autant, mais avec le temps, ce corbeau maléfique plane trop bien pour l’annihiler avec un tire-pois quand il commence à peine son vol.

Un must pour les fans de Black immaculé, sans clavier, sans artifice, sans couleur. Que du noir, de la suie, de l’asphalte et du goudron, que des charognards perchés sur des tombes dans la Vallée des larmes. Dieu que j’adore cette image. Vous aussi en deviendrez accroc « ad nauseam » avec de la patience et du flair.