Bienvenue en Pologne, terreau fertile de formations parmi les plus extrêmes des années 2000, essaim d’abeilles tueuses au dard envenimé de fureur. Bienvenue en Pologne, nation tiraillée entre son passé et son présent, dont les stigmates de la guerre ne semblent pas encore guéris ; enfin, si on se fie à la noirceur des galettes de ses fils métalleux. Bienvenue en Pologne, berceau de BEHEMOTH, VADER, mais aussi de WITCHMASTER, line-up Black/Thrash créé en 1996, que je vous présente aujourd’hui avec un arrière-goût désagréable en bouche.

WITCHMASTER est composé de trois membres du brûlot Black polonais PROFANUM et un du combo Death SUPREME LORD, Reyash (VADER, INCANTATION). Sachant cela, la surprise est moins grande à l’écoute de ce son macho en crise identitaire. Attelez-vous, "Trucizna" (« poison » en français) est un condensé de tous les clichés propres aux Thrasheux qui lorgnent vers le Black charbonné : 29:49 de bûchage primitif aux pigmentations fin 80, peu de virtuosité dans la démesure, de la mélasse au pétrole bien épaisse dénuée de sucre, du défoulement efficace pour les jours de merde, de la brutalité en spray. Vous avez saisi.

WITCHMASTER sent la rouille, les usines désaffectées, les ruines, la mélancolie mal gérée. Ça s’entend surtout dans le chant affreux et bordélique de Bastis, dont les hurlements gutturaux ne collent pas toujours aux ambiances post-explosion (pour des explications, écoutez le skeud) de ses potes boostés à je ne sais quoi. Il en fait aussi beaucoup trop, à l’instar de Bastek derrière ses tums : son martèlement agressif résonne en amateur par-dessus les cordes roulantes de Kali, isolé sur son île de mérite relatif avec Reyash et sa basse du tonnerre.

"Road to Treblinka" et la pièce-titre offrent pourtant une réelle profondeur et trahissent un goût évident pour le mélodique à travers des grattes ultra rapides. Sans oublier l’étonnante reprise de "Troops of Doom" de SEPULTURA ("Morbid Visions"), cette même pièce que les Brésiliens avaient réenregistrée sur "Schizophrenia". Le groupe emprunte aussi à des styles moins chaotiques : la deuxième plage, "Self Inflicted Divinity", possède un bon riff Heavy, mais est un drôle de choix artistique ; difficile de juger si c’était une idée de génie d’injecter de la gélatine dans l’ouragan. Qu’à cela ne tienne, nous retrouverons quelques autres touches Heavy sur cette pépite volcanique, dont l’éruption risque d’en défriser plusieurs.

Je ne sais pas de quoi manque WITCHMASTER : de budget, de talent, de subtilité, de charisme (oui, oui, le charisme n’a pas été inventé pour les animaux…) ? Je parierais ma chemise à l’effigie de Satan sur un mix de tout ça, assaisonné d’un flagrant déficit au niveau de la maturité. Fâcheux de la part d’un quatuor qui n’a plus besoin de présentation. Ben, en Pologne en tout cas…

Un suicide pour les oreilles ? Je n’irais pas jusque là, car les oreilles ne sont pas les uniques victimes de ce charnier musical peu invitant. Un album de plus à rajouter à votre collection d’aventures d’un soir. Et s’il-vous-plaît, mettez une capote, il ne faudrait pas que trop de petits WITCHMASTER cassent tout à la surface du Globe. On a déjà assez de misère à gérer.

Voilà, une courte chronique pour un disque qui déverse son fiel en coup de vent. Pourquoi s’étendre sur un opus bâclé quand on pourrait consacrer plus de temps à des musiciens au travail plus sympatoche et abouti ?

1,5/5.