La Belgique des Québécois s'appelle l'Ontario, province voisine la plus populeuse du Canada où est située la métropole nationale, Toronto. Il y perdure une guerre de tranchée, dont l’âpreté tant à s’estomper avec les générations, entre les deux provinces portant sur deux points : la langue (anglais contre français) et le statut de province-reine du pays. Sauf que le cours d'histoire politique s'arrête ici, parce qu'aujourd'hui, je ne ferai aucunement preuve de chauvinisme et de méchanceté, car je vous présente GATES OF WINTER, un combo de Sault-Sainte-Marie, bourgade du centre-sud ontarien, qui a lancé lui-même son premier opus de Power/Prog en 2008.

Le généreux "Lux Aeterna" me fait penser à ce que SYMPHONY X nous a offert l'an dernier, côté réalisation et lourdeur de la facture sonore. Pour un jeune groupe qui n'a pas beaucoup de moyens, GATES OF WINTER a du talent pour remplacer les billets de banque… Les aiguilles dansent agréablement dans la console, aucun doute là-dessus. Ce qui les éloigne par contre de la livraison des rois du Prog de ce monde est un peu conventionnel mais invitant listing.

"Lux Aeterna" est divisé en deux fesses bien distinctes : les cinq premiers titres et les quatre derniers. Entre deux morceaux plutôt insipides où des airs romancito-chiches se bousculent au portillon ("Life Force Rapture", "The Wildwood Pariah") la trilogie "Burning Kingdom I-II-III" met littéralement le feu aux poudres. Eh oui, une trilogie en début de skeud, comme quoi ils ne sont pas toujours acculés à la queue ces mini-concepts prisé des groupes Speed/Power…

Le tiers d'ouverture, "A Dark Affliction", nous gave du meilleur moment de l'album avec un riff et une ligne de clavier entraînants à travers lesquels les voix de Lee Maines (qui partage quelques octaves avec Matt Barlow) et Jody Lynn Bedard s'entremêlent jusque dans un refrain des plus poignants. Captivant ce morceau, vraiment. Quant aux deux autres tiers, "Heavenly Insurgence" et "Lux Aeterna", ils nous refont vivre le type de claque encaissée en ouverture de trilogie en variant les formes, alternant les ponts avec les martèlements et les soli électrisants. Ne pas oublier cette sourde basse, qui fait ici son boulot pour que la pâte lève à fond, et le passage planant sur la troisième partie.

La deuxième miche de GATES OF WINTER sur cet opus est très éclatée, une balance parfaite avec la demi-lune plutôt "cartésienne" du début. Le quintette varie la teneur de ses offrandes en dispersant ses rafales. D'une cavalcade grandiose ("From The Flesh") à un banquet d'orchestrations vaguement 70's ("Winter Flight"), par un détour vers le soleil déclinant sur "Gates Of Winter" ou une typique balade de clôture ("Omega"), le groupe montre son autre profil, son envers de médaille.

Celui d'un enfant impressionné depuis des années par les plus grands bands de Prog et qui a eu la bonne idée de réunir toutes ses influences en un disque. Vous sourirez en entendant ce clavier et cette batterie, au rendu correct mais non ahurissant sur la plupart des titres. La maturité précoce des Ontariens est toutefois digne de mention, surtout qu'ils ont dû se farcir le processus de production. Quand je vois "album self-released" près du titre, entre parenthèses, mon cœur se fend souvent… Je suis comme ça, moi, les débrouillards me plaisent !

J'espère que GATES OF WINTER aura la chance de batifoler davantage dans l’arène à l’avenir et de faire discourir ses instruments jusqu'à l'étouffement, parce que du Power/Prog comme ça, c'est du bonbon. Une friandise qui fond toutefois rapidement et dont on ne saisit pas toutes les saveurs. La clé pour que le goût persiste s’appelle l’expérience. Allez, voisins, au boulot !