Le Folk Metal n’est désormais plus un sous-genre. Il possède sa propre pléiade de subdivisions, qui clament leur indépendance par d’exquises et supposément uniques couleurs. Redevenu à la mode dans toutes les strates de la musique, pop ou non, le Folk dissimule des dizaines de formations inconnues, tapies dans les marais opaques du Metal, univers frappé d’une multiplication des styles et de faux-semblants radiophoniques. ADORNED BROOD est un de ces nains. Deux questions naissent alors pour expliquer son absence des conversations, enfin sur NIME : le groupe est-il si discret que nous l’ayons loupé malgré ses six albums ou est-il mauvais au point de plaire exclusivement à son minuscule fan club ?

ADORNED BROOD n’est ni un ni l’autre, sa silhouette n'est pas encore pleinement définie. Formée en 1993 dans le nord de l’Allemagne, son ombre cadre pourtant bien parmi les bonnes formations de Folk des quinze dernières années. Il a en son sein un crieur capable, mais qu’on apprécierait davantage dans un groupe de Black, une chanteuse qui joue merveilleusement de la flûte (leur carte cachée), un petit synthé qui sous-tend l’ensemble et des guitares assez épiques pour ne pas décevoir le plus aventureux dont l’envie de voguer sur les mers irascibles du nord est irrépressible. "Noor", leur dernier effort sorti à la fin 2008 chez Black Bards, renferme ces trésors, tout y est.

"Noor" contient peut-être tous les minéraux essentiels à une curiosité en santé, il n’a pas le potentiel pour vous assommer et vous envoyer dans l’au-delà. Impression toute subjective qui n’entraîne aucun débordement de déception, seulement un flagrant embarras digne d’un quidam dont le portefeuille ne lui permet pas de boucler son loyer. ADORNED BROOD, malgré son expérience et ses quelques réussites dans le passé, ne remporte pas la Palme d’Or du groupe Folk sympa de l’année. Une question de feeling…

Leur nouveau-né est pourtant bardé d’excellents titres : «Storm» et son air hargneux auquel se collent de charmantes touches de cordes, "Noor" (joli refrain choral et riff Amon Amarthien efficace) et les morceaux variés "Am Grunde Des Meeres" et "Trollmelody", mais la tempête fait rage sur la sirupeuse "Sons Of The Damned", l’insupportable "Drunken Sailor" ainsi que la très quelconque "Schiff Der Toten", des trucs qu’on entend trop souvent et qu’on souhaiterait voir disparaître.

On s’aperçoit au bout d’une dizaine d’écoutes que l’album tombe dans cette catégorie de galettes moyennes dont on n’arrive pas à cerner entièrement l’identité. C’est cela le "feeling", malaise qui ne s’explique pas en mots. Pas assez couillus, dira-t-on, les Vikings d’ADORNED BROOD n’ont pas suffisamment de poil au menton pour nous effrayer. Ils ont le cran de nous faire tanguer quelques heures sur leur gokstad, mais on ne s’y saoulerait pas toute la nuit en grattant notre Fender.

Le Folk Metal, mes chers amis, vient nous tirailler les tripes à chaque écoute. Festif, historique, complexe de par la variété des sonorités qu’il développe, il est en même temps, à la portée de tous et éloigné. Il demande de la part des musiciens un abandon total afin que l’auditeur perçoive le théâtre qui s’y abrite. ADORNED BROOD, s’il entonne de fastes louanges à Yggdrasil, n’arrive pas toujours à nous projeter dans les limbes de ses arrangements. De sorte qu’au lieu de passer toute la traversée à la proue, on préfère se réfugier à la proue et sentir le vent dans notre dos…

L’extraordinaire pochette de "Noor" ne ment pas : elle montre un groupe qui hante les flots à la recherche des matériaux nécessaires à la construction d’un solide château sur la falaise. ADORNED BROOD devra gagner davantage d’écus afin de se les offrir, ces matériaux, car il ne maîtrise pas encore la magie nécessaire pour enfoncer des clous sans marteau.