"Blue Lambency Downward", un disque à faire peur. Un disque oppressant qui ne garde de son affiliation avec MAUDLIN OF THE WELL que ses atmosphères mêlant avec plus ou moins d'adresse une pop libidineuse avec un esprit jazz faussement improvisateur. Et le metal a disparu. Lentement mais sûrement, Toby Driver s'en désintéresse. Alors quand on lit l'étiquette « avant-garde metal » affichée sur certains sites Internet, on ne garde plus que l'avant-garde.

D'ailleurs, pourquoi donc vouloir à tout prix étiqueter KAYO DOT ? L'artiste, bien avant de jouer ceci ou cela est un être malsain, il fait de la musique malsaine, délicieusement perverse, se rapproche à de rares instants des tentatives les plus légères de FANTOMAS et se laisse envahir par les cordes. De là, une autre étiquette, « musique de chambre ». A baiser, peut-être. Et à faire mal à sa/son partenaire en la/le laissant croire qu'on lui fait du bien. Mis à part cela, il s'agit soit d'un piège, soit d'une belle audace. Un piège tendu par Mia Matsumiya, de plus en plus présente, équipée d'un violon et d'un alto qui ne placent pourtant pas KAYO DOT dans le même arbre que les grands, ni même que les petits de la musique classique. Puis vient le jazz. Le jazz qui vient de cet aspect fourre-tout (Règlement du Parfait Chroniqueur, Article 14 Alinéa b : quand tu ne sais pas ce que c'est, dis que c'est jazz) et d'une section bois également infiniment présente. Ajoutez la contrebasse de Toby Driver et tout y est.

Autant d'étiquettes trompeuses mais qui, savamment collées les unes aux autres, rendent finalement très bien compte du contenu de ce "Blue Lambency Downward" futile et sombre, indigeste comme un scénario de David Lynch, hypnotique comme la caméra du même David Lynch. Allez, une dernière étiquette pour bien foutre le bordel, qu'on n'y comprenne absolument plus rien et pour ainsi restituer au mieux le climat d'une galette qui aurait tout pour plaire s'il s'y passait quelque chose.

Bien loin d'Angelo Badalamenti, cultissime compositeur de Blue Velvet, Sailor Et Lula, Lost Highway ou Mulholland Drive et double sonore du palmé américain, KAYO DOT ne suit aucune véritable direction, il préfère planer bien haut dans le ciel pour éviter les critiques. A ce degré de bizarrerie et d'évanescence, on ne peut plus rien dire sinon parler d'originalité. Pas de chance, KAYO DOT possède un passé, un passé riche grâce auquel la comparaison devient possible.
Eh oui, KAYO DOT, c'est un peu moins bien qu'avant, à l'époque d'un premier album un peu mieux nourri. Et KAYO DOT, c'est surtout tellement loin de MAUDLIN OF THE WELL. Toby Driver doit en avoir marre de voir vivre son bébé actuel dans l'ombre du précédent. Mais le bébé n'a qu'à grossir, se trouver une personnalité, une activité. Feu le géniteur du diptyque ""Bath"/"Leaving Your Bodymap" et d'un premier "My Fruit Psychobells…A Seed Combustible" tout aussi recommandable nous faisait le coup des montagnes russes, passait du calme au psychotique sans crier gare, "Blue Lambency Downward" n'est que le petit train qu'on emprunte avec grand-mère. Grand-mère est folle, me direz-vous mais est-ce bien suffisant ?

Chacun en jugera en son âme plus qu'en sa conscience. Moi, j'ai envie de dire qu'avec KAYO DOT, Toby Driver s'endort.