Trop hardcore, les CRUMBSUCKERS. Et même beaucoup trop hardcore pour un site sur lequel grouille un lectorat concentré sur le metal chromé. Et loin d'être un mauvais disque, "Life Of Dreams" ne saurait recueillir sur NIME qu'un accueil poli rempli d'indifférence.

"Beast On My Back", c'est autre chose. Si l'auditoire d'origine regrette déjà la prolifération des quelques bactéries metal introduites dans la sauce HxC dès 1986, toute une génération de chevelus peuvent aujourd'hui se pencher avec un peu d'entrain sur le cas CRUMSUCKERS, définitivement contaminé en 1988 par un thrash qui vit à cette époque ses meilleurs moments. Une contamination qui signera bientôt l'arrêt de mort d'un combo pour moitié désireux de se laisser totalement engloutir sous les formules propres aux patchés cuir et clous, pour moitié soucieux de conserver une attache solide avec un passé punk urbain. Ainsi naîtront bientôt le mort-né HEAVY RAIN puis le très coreux PRO-PAIN. Mais en 1988, les deux parties cohabitent et livrent leurs arguments en simultané avec une jolie conviction.

Au-delà d'une distorsion encore accentuée, plus encore qu'un meilleur affûtage des riffs, "Beast On My Back" se permet de laisser traîner sur tout son long divers gimmicks interdits dans le milieu confiné du hardcore. Et le groupe, qu'on savait précurseur en hybridation, lâche totalement la bride. Il le fallait, sous peine de se laisser marcher sur les pieds par une concurrence qui pousse loin le délire (D.R.I.) ou l'expérimentation (les CRO-MAGS). Un piano introductif, des arpèges en son clair, un bon pack de tricotage de manche, exagérons un tantinet et lançons qu'il ne manque plus guère qu'un attirail vestimentaire plus travaillé pour que l'artiste ne se mette à faire la nique à TESTAMENT (Alex Skolnick en moins). A voir la pochette du disque, ce n'est pas gagné. Et on est curieusement rassuré.

Car s'il fallait analyser les éléments thrash en dehors de leur contexte, on pourrait aisément railler les approximations de musiciens manquant tout autant d'une grande technique que de grandes idées. Premier pointé du doigt, la section rythmique, artisanale pour le moins. Mais chez les CRUMBSUCKERS, la valeur ajoutée se situe dans le mélange. Pas le plus exceptionnel des groupes de hardcore, loin d'atteindre l'efficacité des dieux du thrash, il fait avec les moyens du bord, il fait surtout avec sincérité et envie. Et il devient plus difficile d'appuyer la critique. C'est vrai, la batterie se contente d'un poum poum tak primaire, le chant conserve tous ses attributs canins, les envolées des six-cordes ne volent jamais à hauteur de nuage. Mais c'est le contexte historique qui permet à ce disque d'entrer dans le Hall of Fame de la musique de notre temps. Grand réconciliateur de deux illustres chapelles, les CRUMBSUCKERS ne sont plus, comme sur leur premier effort, proto quelque chose. Finie la timidité d'un premier effort encore porteur de toutes les couleurs du CBGB's, le légendaire club new-yorkais, écoutons "Initial Shock" et "Remembering Tomorrow" et constatons à quel point ces deux symboles d'une évolution décisive ont su marqué l'histoire grâce à leur double appartenance. Deux symboles bien ancrés au milieu d'une galette ô combien novatrice et terriblement thrash, même pour du crossover.