On raconte que le groupe avait un chanteur. Randall « Snake Eyes » McDoogan. Affaire tragique, un de plus fauché en plein parcours. Réduit à un quatuor, le collectif de Philadelphie ne se laisse pas abattre pour autant, décidant de continuer l'aventure à la seule force des riffs sabbathiques et des solos grésillants. Du statut de leader, Randall se verra attribué à titre posthume celui de gourou, fondateur d'une obscure secte sataniste, le culte de Shiloh, officiant dans un temple quelque part du côté de Topanga Canyon, l'épicentre d'un univers de bikers, de drogue et de démons auquel un film aurait été consacré, « Ride Satan Ride ».

Mélangeant allègrement personnages réels et faits imaginaires, les membres de SERPENT THRONE aiment à se mettre en scène dans leur périple sauvage et fantastique, bâtissant autour de leur premier opus une véritable mythologie avec un très grand souci du détail. Se multiplient ainsi les références 60's et 70's, tant musicales que cinématographiques. Le son est donc extrêmement proche de BLACK SABBATH, voir de BLUE CHEER, et le concept évoque un croisement entre le satanisant « Race With The Devil » et le film d'horreur-biker flirtant avec la série Z « Wherewolves On Wheels ». De l'artwork, vraiment sublime, se dégage un authentique parfum « vintage », qu'on appréciera d'autant plus avec l'édition vinyle, sortie il y a à peine quelques semaines. Et je ne vous parle pas du poster qui n'omet aucune pliure et déchirure et aucune accroche débile du style « They're Cycle Psychos From Hell ! » ou « Filmed In Horrific Satanivision ».

Le décor est donc posé, que nous réserve cette offrande démoniaque ?
On aurait pu s'attendre à des compositions du style de KARMA TO BURN ou à une pâle copie de plus du Sab'. Rien de tout ça, SERPENT THRONE réussi là où ELECTRIC WIZARD avait échoué la même année. En quarante minutes d'un stoner-doom énergique, les quatre lascars montrent que du talent, ils en ont à revendre. La production volontairement poussiéreuse n'altère en rien la puissance du groupe, ce qui n'était pas le cas pour la bande à Oborn. Les riffs sont inspirés, variés, collent parfaitement à l'ambiance. Les solos sont nombreux, exécutés d'une main de maître. La rythmique soutient le tout et cavale le long de routes ensablées sous un soleil de plomb. On est littéralement transporté dans le désert californien, cent fois arpenté par McDoogan et ses fidèles, on chevauche avec eux d'antiques Harley, le vent fouettant les visages, prêts à commettre les prochains méfaits.

Arriver à accrocher l'auditeur de bout en bout en proposant une musique cent pour cent instrumentale n'est jamais chose aisée. Et pourtant, SERPENT THRONE maîtrise son sujet comme personne, nous happant dés les premières notes de « Ride Satan Ride », ne nous lâchant qu'une fois "L.S.D." achevée. J'irais même jusqu'à dire que le groupe est au doom 70's ce que Tarantino est au cinéma d'exploitation et à la série B, à savoir un copieur de génie, recyclant les concepts les plus éculés en les magnifiant au passage, rendant ainsi hommage à toute une culture parallèle.

L'album en lui-même est étonnement homogène, d'un niveau stratosphérique. Une tuerie sans nom si vous préférez la manière forte. A placer aux côtés des grandes sorties de 2007 telles « So Long Suckers » de REVEREND BIZARRE ou « King Of The Grey Islands » de CANDLEMASS. Pas moins.