On parle volontiers du fameux cap du troisième album, comme quoi ce serait une étape majeure dans la vie d’un groupe, un palier difficile à franchir, toussa. C’est un cliché. Mais concernant STONE, c’est tout à fait valable.
Colours est un album charnière. Le groupe enfourche son vélo, enlève ses roues stabilisatrices METALLICA et décide de pédaler tout seul comme un grand. Si j’osais, je vous sortirais cet autre cliché éculé qu’est "l’album de la maturité". Mais je n’en ferais rien. N’insistez pas.

Vous y tenez vraiment ? Bon, OK... Mais arrêtez avec ces yeux implorants de chaton abandonné, ça me fend le cœur. Je suis un gros sensible.

"Colours est l’album de la maturité pour STONE". Voilà, c’est dit. Mais c’est bien parce que c’est vous.

"Hé dis, Odin, hé ! En quoi ils s’affranchissent définitivement de METALLICA cette fois-ci ? Hein ? Hein ?"
J’y viens. Calmez-vous un peu. Dieu que vous êtes impatients.
Au-delà de simples velléités d’indépendance vis-à-vis de la bande à Hetfield, on peut carrément parler ici d’émancipation pure et dure. STONE s’extirpe du carcan thrash classique et s’ébroue, s’amuse, expérimente.
Le résultat, c’est un disque touffu, ambitieux et complexe, en rupture avec le côté relativement léger de ses prédécesseurs. Les textes sont beaucoup plus adultes. On y apprend entre autres que le nucléaire, c’est pas gentil ("White Worms"), que la dépression, ça pue ("Empty Suit") et que la vie est un combat ("Meaning of Life").

La musique est à l’avenant. On n'est pas là pour rigoler. Colours est une chape de plomb. On a droit à un thrash rapide, agressif, sombre comme un trou de balle... et déroutant.
Le groupe s’emploie effectivement à épicer son plat en soufflant constamment le chaud et le froid. On alterne donc de jolis arpèges et des riffs énervés ("Storm Inside the Calm", "Ocean of Sand"), on multiplie les changements de rythme ("Stone Cold Soul", "Empty Suit")... De vraies montagnes russes. On accélère pour mieux ralentir et inversement.
On avance, on recule, on avance, on recule, comment veux-tu...*

Vous vous en doutez, Colours est moins accessible que ses grands frères. Et tant mieux car au passage, STONE y acquiert un semblant de personnalité. On ne pense plus à METALLICA, OVERKILL ou je ne sais qui. On écoute un groupe faire sa propre tambouille, sans aller piquer ses ingrédients et sa recette au voisin.

A l’écoute de Colours, on se dit que le monde est STONE**.
Et pour une fois, on a pas envie de s’en plaindre.




* Et j’ai même pas honte.
** Fallait bien que je la fasse à un moment ou à un autre.