Vexé de m'être trompé, je me devais de réagir et de rectifier le tir. "Горизонты" m'avait en son temps déplu. Trop lourd et crémeux, comme toute babouchka qui se respecte. "Вольницей В Просинь Ночей" n'avait rien changé à ma défaite. Toujours à la recherche du grand groupe de metal russe, je continuais bêtement à croire en ТЕМНОЗОРЬ alors que d'autres artistes, certes moins connus, n'avaient très probablement rien à lui envier.
Les deux derniers albums doucereux et patauds, il suffirait, je tentais de m'en convaincre, de remonter la montre de quelques années et de revenir au début du groupe. Mission effectuée, j'ai mis la main sur "Ведовством крепка черная слава Руси" afin de me réconcilier avec la troupe d'Obninsk, grande ville située au sud-ouest de Moscou.

Comme prévu, ce disque sonne plus brut que ses deux successeurs. Il suffit de regarder la pochette, artisanale à souhait. Comme prévu, ce disque sonne beaucoup plus sombre que ses deux prédécesseurs. Il suffit d'écouter l'intro, son double récitatif en Russe déjà annonciateur de la multiplicité des registres vocaux, ses hurlements de femme martyrisée, ses nappes de clavier lourdes et annonciatrices du pire.
Mais pas le pire qu'on était en droit d'attendre d'une formation née dans un pays douloureux et usant d'une imagerie profondément mâle et cruelle. Protégez bien vos tympans, la production, qui se veut très certainement élitiste et donc inaccessible au commun des mortels, aura tôt fait de plonger l'auditeur dans un malaise acouphénique et hyperacousique tournant à la véritable souffrance. Le premier chant travaille abominablement de l'arrière-gorge, au point de surclasser le souffreteux pourtant commun à une infinité de vocalistes black. La guitare semble vouloir singer les performances de l'organe du dénommé Gorruth en se débarrassant soigneusement de toute basse ainsi que des bas médiums. Résultat de cette ablation, un crachouillis totalement dégueulasse à l'esthétique ratée dans un contexte musical général insuffisamment cru. Car en totale contradiction avec cette volonté sonore obscène, un flûtiau, devenu tête d'affiche des prestations de l'orchestre, vient nous pipeauter en long, en large et en travers ses mélodies doucereuses et mal fagotées. L'accompagne un chant clair guère engageant, auquel il manque la conviction des vrais hommes. Et cerise sur ce pudding rassis, les nombreux intermèdes atmosphériques, calamiteux cache-misère, soulignent la faiblesse d'une inspiration asséchée en moins de 30 minutes.

Une fois encore, je m'acharne sur celui que j'aurais tant aimé aimer. Comment faire autrement lorsque la formule suivie lors de la fabrication de "Горизонты" et "Вольницей В Просинь Ночей" se retrouve mot pour mot, équation pour équation ? Et en moins accomplie, et en plus brouillonne, et suant l'immaturité.
J'ai beaucoup travaillé du clavier, je me suis beaucoup répété et je me sens triste. Triste car mon intention première était de faire de la publicité à un combo pour lequel je conserve encore, statut et origine obligent, un soupçon de sympathie, et qui mérite qu'on se penche sur son cas. Je l'ai fait, et j'y ai mis une sacrée énergie. L'échec est patent, l'art de ТЕМНОЗОРЬ me restera toujours indifférent, je n'ose dire risible. D'autres ont vécu, vivent et vivront l'expérience différemment, je les envierais presque.