Y a pas à chier, la scène death metal québécoise se porte bien. Du côté de GORGUTS, c'est pas l'éclate, ok, mais Luc Lemay a récemment monté le dénommé NEGATIVA pour poursuivre ses pérégrinations sur le terrain du death metal avant-gardiste. CRYPTOPSY, probablement le mammouth médiatique de la scène, continue son gros bonhomme de chemin et KATAKLYSM se porte à merveille. J'ajouterai à cette courte liste NEURAXIS et surtout QUO VADIS, histoire de pisser la ligne et de m'assurer un relais solide avec l'artiste dont je vais parler tout de suite, juste après avoir donné son nom : MARTYR.

MARTYR, c'est Daniel Mongrain, un gaillard qui a justement traîné ses guêtres du côté de chez QUO VADIS et CRYPTOPSY, plus encore chez GORGUTS. Et avec son frère et deux autres francophones, il s'efforce de perpétuer la tradition du death metal technique. Détaillons la chose, car le death metal technique a toujours grosso modo suivi deux voies contradictoires. La première exhibe un muscle viril, ose pencher vers le brutal et refuse toute compromission stylistique. Je veux dire par là qu'elle n'a que mépris pour l'autre direction qu'elle voit d'un très mauvais œil à cause de son penchant exagéré pour l'aération et le jazz (appellation donnée a minima et qui englobe dans le cadre du metal un peu tout et n'importe quoi). C'est là que la césure se veut profonde et douloureuse. C'est là qu'on tracera la limite entre ceux qui abusent de leur technique pour pondre des riffs toujours plus rapides et tortueux et nous saouler de soli endimanchés mais qui restent collés aux règles du dogme death et les partisans de l'ouverture tous azimuts.

Sans jamais divaguer autant qu'a su le faire SADIST en son temps, Feeding The Abscess va plus loin que ne l'avait fait un Warp Zone déjà vieux de six ans, disque irréprochable en bien des points mais qui regardait encore un peu trop droit devant. C'est ferme et définitif, MARTYR fait partie de la deuxième catégorie, celle des déviants et des expérimentateurs.
Comme l'histoire avance vite, le groupe, malgré toute la bonne volonté du monde est bien incapable d'inventer quoi que ce soit. N'allez pas en conclure que Feeding The Abscess se nourrit des mêmes pêchés que le pourtant ravissant Genesis, de son contemporain COPROFAGO, symbole absolu du copier-coller formidable. Non, MARTYR tente et réussit la personnalisation dans son écriture. Tantôt barrés, âprement sculptés, les riffs forcément thrashisants ont comme un petit goût de neuf. Les ruptures aériennes tellement utilisées par les pionniers ATHEIST et CYNIC n'empruntent pas qu'aux références du genre. On découvre même quelques bizarreries sonores fort appréciables comme ce violon insane qui conclue "Havoc" avec à-propos. La voix baigne dans un jus thrash moderne (ou hardcore récent, c'est selon) avec quelques plongées cavernoïdes de bon aloi et un soupçon de travail sur la texture au mixage. La basse suit l'exacte ligne tracée par tous les parrains du genre, volubilité, rondeur et douce sophistication. Le reste joue bien, on s'en serait douté.

Et voilà un disque qu'il est bien sympathique, surtout quand on termine l'écoute par la reprise qu'il fallait, celle de la légende québécoise, le grand VOIVOD, électron le plus libre du thrash et parrain des parrains de l'ensemble de la scène death metal technique.
Un disque bien sympathique … même s'il n'invente rien. Il revisite et le fait bien, voilà tout.