Lorsqu’en 2002, NIGHTWISH annonce l’arrivée de Marco Hietala, tout le monde se demande d’où débarque ce grand bassiste à la barbe customisée. Ce parfait inconnu nous vient d’une formation finlandaise tout aussi inconnue et pourtant très productive, composée notamment de lui et de son frangin. La musique de TAROT s'est surtout beaucoup exportée au Japon (leur album To live forever a eu énormement de succès en terre nippone) et peu en Europe. Le groupe a pourtant à son actif, au moment où je rédige ces lignes, 7 albums, un live et un best of et 20 années d'existence! Oui, le groupe existe depuis 1986, autrement dit, à l'époque des MEGADETH et autres heavy thrasheurs. Pour la petite histoire les membres des METALLICA ont fait tourner les albums de TAROT dans leur platine et ont déclaré avoir été "impressionnés par la puissance dégagée" par ces illustre inconnus.

Le groupe a gardé son line-up de départ intact, à l'exception de Mako H, second guitariste, qui a été remplacé en 1988 par un claviériste. Quant à lui, Marco Hietala a participé à de nombreux projets parallèles (SINERGY notamment) et s'est fait un nom qui est peut être parvenu à vos oreilles si vous suivez de très près l'actualité du metal finnois. Ce nom sera également parvenu à l'oreille d'un certain Tuomas Holopainen (NIGHTWISH).

Or, 75% des jeunes métalleux qui connaissent TAROT l’ont probablement découvert comme moi, en décortiquant l’arbre des sides projects des Rêves de la Nuit. Ces 75% auront voulu en savoir plus. Mais par où commencer?
C'est là que ce Shining black intervient. Eh oui il y a un best of, bon point, bon point.
La moitié de ces 75% aura donc écouté/acheté/téléchargé ces deux disques et les 3/4 de cette moitié auront aimé. Vous êtes perdus dans ce fatras de chiffres ? C’était le but, je ne connais pas les statistiques réelles.

Peu importe : cette portion qui aime la musique de TAROT l’aime pour son côté immédiatement assimilable, très rentre dedans. Il s’agit d’un Heavy Metal inspiré des groupes de la NWOBHM (New wave of british heavy metal) tels que JUDAS PRIEST ou IRON MAIDEN. La touche scandinave est évidemment présente, la présence plus ou moins discrète de claviers aidant, ce qui peut faire penser à un HAMMERFALL nettement moins kitsch.
Techniquement parlant, le groupe propose des structures musicales assez variées, même s'il n'est pas question de parler de révolution musicale. Des compos entraînantes avec un refrain accrocheur(les très bons "Live Hard Die Hard", "In my Blood" et "Wings of Darkness"), des mid-tempo sombres (l'énorme "Warhead" ou le mélodique "Iron Star"), des ballades (la lancinante "Guardian Angel" dans laquelle Hietala surprend avec une voix haut perchée) et quelques passages blues. En résumé un heavy metal dans l'air du temps et qui se veut le plus diversifié possible.

Ce qui permet toutefois à TAROT de se démarquer, c’est le chant. Contrairement à un Bruce Dickinson qui cherchera à repousser les limites que lui posent ses cordes vocales et qui aura tendance à s’égosiller pour attraper du bout du doigt quelques notes haut perchées, Marco Hietala sera moins aventureux. Il chantera moins haut, mais plus fort. La puissance est le meilleur terme qu’on puisse utiliser pour décrire le chant du bassiste. Sa voix "grasse" un peu bluesy sur les bords est tout aussi massive que lui, comme on a pu s’en rendre compte dans NIGHTWISH. Enfin un chant qui rivalise d'abrasivité avec les guitares du heavy metal!

TAROT excelle surtout par cette capacité à trouver LE riff pour headbanguer. 3 notes de basse ou de guitare et rock'n roll baby! Ce "Generation Clash" vous donne vraiment envie de taper du pied, quel groove! Les morceaux sont carrés et rapidement mémorisables. Les refrains sont très réussis, parfaits pour l'exercice live ("Crawlspace", dont le riff fait penser à "Hunting High and Low" de STRATOVARIUS, en est le meilleur exemple). Marco Hietala fait preuve de beaucoup de feeling avec sa basse et rivalise de puissance avec la guitare de son frangin:ses soli sont classes sans être trop anarchiques ou trop prétentieux. En bref, "rafraîchissant" est l'adjectif que j'utiliserai pour qualifier le heavy metal de TAROT.


Les 25% restants, ceux déçus par TAROT, du moins par ce best-of, auront un argument de poids:TAROT pêche en longueur. Certains titres auraient gagné à être amputés d'une ou deux minutes, et non pas rallongés à outrance pour soi-disant faire durer le plaisir.

Shining Black étant construit d'une manière chronologique, le second CD témoigne de la progression et de la maturité qu'a acquise le groupe au cours des années, maturité ayant permis de faire varier leur répertoire et de pallier les défauts de la première heure.
Musicalement, on observe ici la progression assez classique d'un groupe de heavy metal traditionnel qui, au départ, fait essentiellement une musique à hymnes, puis qui se laisse aller à quelques discrètes expérimentations au fil du temps.
Au final, un best of qui aura savamment balayé la carrière du groupe et montré les aspects les plus marquants du heavy de TAROT, à savoir sa variété et son efficacité.