Ca vous tente une petite charade ? Allez : mon premier désigne un état particulier d'un élément constituant notre monde, dans lequel nous avons plaisir à nous baigner, qui s'avère bien utile pour se désaltérer, et qui, par la force des choses, se fait facilement synonyme de totale fusion, d'harmonie absolue.

Mon second ? Il s'agit également d'un état, mais de notre psychisme cette fois : un état assez atypique, en ce sens que d'aucuns s'affaisseront sous son poids, tandis que d'autres s'y épanouiront.

Mon troisième enfin est un qualificatif qui désigne les audacieux, les hardis, toujours prompts à s'immerger sans retenue dans la quête transcendante de la nouveauté surprenante ; une aptitude qui emmène l'être aux confins du possible, jusqu'à tutoyer les limite de l'improbable voire de l'irréalisable.

Mon tout est une entité à quatre têtes mais dont le patronyme se découpe en trois mots lourds de sens, et qui oeuvre dans un Metal instrumental et progressif hallucinant de maîtrise, ébouriffant de technicité, plein de mélodies fichtrement plaisantes, et d'une fraîcheur des plus délectables. Quatre hommes pour huit compositions et une impressionnante improvisation de près d'une demi-heure (Three Minute Warning"), sorte de festin final gargantuesque matérialisant, si besoin était, l'idée que l'association d'individualités prestigieuses n'est pas toujours condamnée d'office à l'écueil du clash d'ego improductif.

Mon tout est une association de quatre génies musicaux qui érigent l'amour d'un aplomb décoiffant en valeur majeure d'une rencontre au sommet de leur art instrumental. Progressif autant que Jazzy, tendre parfois (« State Of Grace »), mordant ailleurs (le tonitruant « Paradigm Shift »), d'une franche gaieté ici (l'euphorique et positivement génial « Universal Mind »... et mazette, quelle conclusion), d'une folie échevelée là bas... Quatre hommes pour une oeuvre musicale qui, même dans ses quelques longueurs et témoignages un peu trop ostensibles d'auto-complaisance technique, transpire de tellement d'amour qu'on ne saurait lui refuser notre caution.

Mon tout, en définitif, se nomme LIQUID TENSION EXPERIMENT, soit la réunion de deux membres de DREAM THEATER - John Petrucci (guitare) et Mike Portnoy (batterie), d'un futur DREAM THEATER (le fantastique Jordan Rudess et ses claviers surhumains) et d'un grand monsieur de la basse, au cv long comme le bras, garni entre autre des noms KING CRIMSON et Peter Gabriel : le grand Tony Levin.

LIQUID TENSION EXPERIMENT, ou la rencontre explosive de quatre musiciens sevrés au talent, et qui nous offrent ici un album instrumental de très haute volée, touchant à pléthore de domaines avec un égal succès, sautant allègrement du Prog au Jazz, en saupoudrant le tout d'une bonne pincée d'expérimentations diverses et variés (« Osmosis », "The Stretch"), allant même jusqu'à la composition gag (« Chris And Kevin's Excellent Adventure »).

Débordant souvent d'une musique tout simplement belle (« Kindred Spirits »), LIQUID TENSION EXPERIMENT n'a peut-être qu'un seul défaut : à force de se faire plaisir, nos musiciens finissent parfois par nous laisser sur le bord de la route, la faute à de longs développements, théoriquement et harmoniquement époustouflants, mais s'étirant parfois démesurément - et du coup difficile à savourer - en dépit d'un sens assez important de la mélodie qui fend le coeur ou du chorus qui accroche l'oreille.

Mais qu'on se rassure, le chef d'oeuvre n'est vraiment pas loin (4/5 = 5/6 ici) ! Achat impératif donc pour les musiciens, et vivement conseillé à tous les amateurs de musique instrumentale. Quant aux autres, qu'attendez vous pour découvrir ?