"Ravendusk In My Heart" fut une flambée incontestable dans le monde du Black Metal, qui ne s'attendait guère à voir débarquer un groupe capable d'aller flirter avec le génie d'EMPEROR. "The Phantom Lodge" ne faisait que confirmer la superbe de DIABOLICAL MASQUERADE, et affinait encore cette vision musicale assez unique, somptueux mariage de Black Metal grandiose et de Heavy Metal typé 80's. Fruit venimeux de l'imagination de Blackheim, démiurge multi-instrumentiste (seule la batterie et quelques instruments additionnels ne sont pas de son fait), cette rencontre entre la virulence et la noirceur du Black et le caractère prenant, incisif du Heavy, donnait des résultats inespérés.

"Ravendusk In My Heart" dévoilait un esprit originel assez nettement Black Metal, et soulignait une ambiance plus crépusculaire et ambrée que les lourdes ténèbres d'EMPEROR ; "The Phantom Lodge" tenait lui plus d'une oeuvre protéiforme, moins homogène que son illustre prédécesseur. Aussi, "The Phantom Lodge" offrait-il à l'auditeur l'opportunité de se familiariser plus franchement avec cet art Black débordant de guitares expressives et fabuleusement accrocheuses et Heavy : Le génial "Astray Within The Coffinwood Mill" ou le tourmenté et impressionnant "The Blazing Demondome Of Murmurs And Secrecy" attestaient avec panache de cette alliance victorieuse, aux fortes teintes épiques et mystérieuses entretenues par des claviers remarquablement sélectionnés.

Mais l'on ne saurait s'arrêter à ces deux seules compositions, le génie de Blackheim maîtrisant plus d'un dialecte : "Hater" d'abord, sorte de Heavy-Thrash fouetté par un allant Speed vitriolé, voix hyper-aigu et farouchement Heavy à l'abordage, ou bien le surprenant "Upon The Salty Wall Of The Broody Gargoyle", véritable hommage à CELTIC FROST (pour le chant) et au MERCYFUL FATE de "Melissa" pour le reste !

La majesté n'a cependant pas fuit les sillons de ce chef d'oeuvre, ainsi qu'en témoigne le magique "Cloaked By The Moonshine Mist", ses choeurs de voix claires, son solo de basse sur break intimiste, et son thème guitaristique triomphal doublé de claviers toujours aussi judicieux (la marque de fabrique de Blackheim). N'omettons pas davantage "The Puzzling Constellation Of A Deathrune" qui alimente de la plus belle des façons la veine épique et parfois intrigante de DIABOLICAL MASQUERADE, qui n'hésite pas à jouer avec des ambiances énigmatiques, ou encore "The Walk Of The Hunchbacked", ses blast-beats infernaux martelant un sol labouré de rythmiques Thrash/Death corsées, coupées par de somptueux breaks acoustiques. Enfin, on ne saurait refermer ce deuxième chapitre ultra varié des aventures de Blackheim sans nommer le très médiéval "Ravenclaw", claironnant de mélodies de flûtes enchanteresses et de riffs sacrément Metal, commandés par un chant arraché mais pas Black. Une merveille à écouter en se promenant dans la nature... effet onirique garanti !

Superbement produit (seule la caisse claire souffre d'un son un peu timide), admirablement arrangé et ornementé de claviers, guitares tenant plus du Heavy que du Black, "The Phantom Lodge" est un petit chef d'oeuvre d'art extrême dont la richesse n'a d'égale que l'accessibilité, sans que jamais la musique ne s'affadisse ou retranche sur sa matière complexe. Un exemple à méditer et un disque d'une diversité stupéfiante, qui pourrait bien en réconcilier plus d'un avec le Metal extrême.