Après un "Modern Art Of Setting Ablaze" qui voyait MANTAR faire un grand pas en avant d’un point de vue composition et interprétation, le duo allemand décide de s’offrir une petite récréation en publiant un album de reprises, "Grungetown Hooligans II" (il semblerait que l’enregistrement original aurait été effacé en studio, d’où ce II. Ne cherchez pas un Part I, il n’existe pas), à la pochette pour le moins… étrange, offrant peu de corrélation avec les précédentes. Et comme son nom l’indique très bien, ne cherchez pas de covers d’HELLOWEEN, de SCORPIONS ou d’HEINO, Hanno Klänhardt et Erinc Sakarya rendent ici hommage aux groupes qui les ont marqués et inspirés dans les années 90.

Et là encore, oubliez NIRVANA, ALICE IN CHAINS et SOUNDGARDEN, le triumvirat de Seattle est totalement absent, tout comme PEARL JAM d’ailleurs. MANTAR tape dans du moins connu dans le domaine du Grunge et de l’Alternatif et le résultat est assez étonnant puisque les Allemands parviennent à s’approprier tous les morceaux. En effet, on reconnaît tout de suite cette voix écorchée qui se pose sur une guitare qui inclut la basse dans son jeu et cette batterie puissante et groovy, bien que les blast beats ne soient pas de la partie cette fois-ci.

Chose assez étonnante, à l’exception de The JESUS LIZARD sur la face A et MUDHONEY sur la face B, les groupes repris ici ont la particularité d’être entièrement féminin ou d’être à chanteuse. Certes, cela fait six chansons seulement, pour cinq groupes vu que L7 a l’honneur d’être repris par deux fois. Le rendu est certes brutal, mais il se veut également plus mélodique qu’à l’accoutumée, le groupe se basant sur des combos qui ont pondu des mélodies qui existent toujours malgré la distorsion que produit Klänhardt.

Aussi nous distinguons ici de vrais refrains, de rares passages où le chant se veut plus clair, moins forcé, la batterie est axée sur le groove afin de ne pas dénaturer les intentions des originales. Sur le papier, cela pourrait sembler chiant car pas assez extrême dans l’approche, mais il ne faut pas voir ce disque autrement que comme un divertissement pour leur concepteurs, qui s’offrent un break pour ne pas devenir esclave de son style, même si nous retrouvons ici la plupart de ses codes. MANTAR délivre toujours une belle intensité, mais bien plus modulée et abordable ici.

Le duo ne joue là pas encore sur l’évidence. Si le "100 %" de SONIC YOUTH est plutôt logique, "The Bomb" ainsi que "Can I Run" des L7 ou encore le "Who You Drivin’ Now" de MUDHONEY ne sont pas forcément les morceaux les plus évocateurs de ces formations. Quant au reste, à moins d’être particulièrement bien calé en musique US des années 90, il est probable que les titres repris ne vous disent pas grand-chose (par exemple, j’ai découvert MAZZY STAR, 7 YEAR BITCH et BABES IN TOYLAND par le biais de ce disque).

Ensuite, il convient de saluer l’intelligence du groupe qui a pioché des morceaux qui collent bien avec leur répertoire habituel, favorisant une appropriation que n’ont pas de nombreuses formations dans ce genre d’exercice (cf le "Metal Jukebox" d’HELLOWEEN). Ensuite, Hanno colle ses parties de chant et c’est là qu’il vient faire la différence. Prenons "The Bomb" par exemple. L’esprit explosif de l’originale est très bien respecté, mais ce n’est pas Donita Sparks qui chante et l’approche vocale se veut bien plus raide, plus grumeleuse et le rendu devient du MANTAR pur et dur. Autre exemple ? "Ghost Highway" de MAZZY STAR prend une toute autre tournure. Si le chant de Hope Sandoval est très doux, le contraste avec celui de Hanno est abyssal tant ce dernier est imposant et féroce.

MANTAR la joue avec classe. Passer derrière SONIC YOUTH est toujours risqué, mais les Allemands s’en tirent avec les honneurs, parvenant à en tirer toute la substance pour la restituer marqué par leur ADN, la seconde reprise de L7 fonctionne très bien également. Nous pouvons toutefois regretter que cela se tasse quelque peu par la suite, la face B de l’album se voulant tout de même un peu plus anecdotique, la faute à un "Who You Drivin’ Now" moins inspiré, sur laquelle le groupe ne parvient pas totalement à apposer son sceau.

Si le but était de sortir de la routine avec ce disque, le pari est réussi. MANTAR sort la tête du carcan dans lequel il s’était enfermé depuis "Death By Burning" en 2014, à publier album sur album et être sur la route. Grungetown Hooligans II est une poche d’air dans laquelle les musiciens viennent se ressourcer en rendant hommage aux groupes qui les avait marqué dans leur jeunesse, avec des choix forts de leur part. Rien ne paraît « facile » ici, il n’y a pas de pilotage automatique, juste une façon de digérer leurs influences et de leur montrer ce que leurs chansons ont contribuer à créer : une bête bicéphale qui n’a pas fini de nous étonner.

Note réelle : 3,5/5.