Meuse Music Records a sacrément le vent en poupe depuis quelque temps, du moins ce label belge aiguise mon attention. En jetant son dévolu sur le Funeral Doom et le Doom/Death Atmosphérique, Meuse Music Records est en train de se créer un catalogue digne et de renom. ORNAMENTOS DEL MIEDO fait partie de cette écurie et est un des membres les plus talentueux de la cavalerie cauchemardesque du label s’abreuvant aux seules sources du Funeral Doom Metal. Très atmosphérique intrinsèquement, ORNAMENTOS DEL MIEDO nous revient tout juste un an après son dernier album. L’éloge de la lenteur, que certains aiment enticher à ce style de manière goguenarde, ne vaut certainement pas pour de ces artistes, comme Ángel Chicote (le seul maître de cette entité), dont l’inspiration prolifique les presse à créer et produire.

"Vacío Como El Tronco De Un Arbol" (= aussi vide qu’un tronc mort) nous prodigue une heure d’une richesse mélodique assez incroyable. Bien plus enivrant encore que "Escapando A Través De La Tierra", l’album de 2024, ce nouvel opus nous désempare totalement de ces vertiges mortifères à l’intensité émotionnelle palpable. Un nouveau cap est franchi avec ce sixième album qui est un joyau de Funeral Doom Atmosphérique. Ángel nous a sacrément gâtés et cette heure de musique qui nous attend sera remplie d’une ambiance très introspective et spectrale. Les nappes claviers s’accouplent magnifiquement avec les guitares saturées et traînantes et leurs leads impressionnants de mélancolie. Les riffs s’égrènent dans une souffrance taiseuse qui pourtant en dit long. Ceux, si voluptueux, du titre d’ouverture beau à pleurer qu’est "Inhalar, Exhalar" sonnent de manière si entêtante et se gravent si agilement dans les méandres de votre mémoire. Et l’on veut tant y revenir lorsque revient le crépuscule et qu’il est temps de partir.

Les titres d’une durée pourtant conséquente (d’une durée moyenne au-delà des dix minutes) ne font que se rappeler à nous, à nos bons souvenirs, à l’écho triste et songeur qu’ils nous ont tant inspiré. Le growl discret mais infiniment ténébreux de Ángel s’ajuste à la densité émotionnelle marquée des titres comme sur le sublime et plus envolé titre "Inalcanzable" avec ses leads prégnants et joueurs lézardant l’horizon. Mais quel titre encore… Et il me faut vous parler de "Nunca" – qui pourrait être mon titre préféré si tous les autres ne tenaient pas si près la corde tous autant qu’ils sont ! – de son envoûtement permanent, de sa rêverie solitaire, de la promenade erratique de ses claviers fantomatiques et lancinants, de son break somptueux et de son hypnose continue. Peut-être que "El Devorador De Recuerdos" est le titre que je fréquenterai le moins de cet album, la faute à ce verbiage de growls pour le coup assez incessant et des leads légèrement plus ennuyeux. Le titre éponyme qui clôture l’album souffre aussi de quelques longueurs mais reste bien acceptable et n’entache en rien la grande qualité générale.

Avec un pareil opus, ORNAMENTOS DEL MIEDO frappe un grand coup. Les sorties prodigieuses de Funeral Doom se font assez rares en ces temps-ci, alors mettre un coup de projecteur sur la plus belle d’entre toutes depuis ce début d’année est une circonstance heureuse. Si le Funeral Doom souffre de rester underground, c’est aussi parce qu’un certain nombre de représentations persistent dans la tête du public Metal. "Vacío Como El Tronco De Un Arbol" pourrait faire tourner les têtes bien comme il faut à tous les curieux, tandis que les fans du genre s’en délecteront comme d’une offrande pleine de saveurs et délicatement empreinte d’un dessein d’empoisonnement.

Note réelle : 4,5/5.